Fushi se rendit au gymnase à une heure bien matinale. Il avait trois heures devant lui, avant que ne débute ses cours. En effet, sa montre digitale affichait bien 5:00am, de manière parfaite, si l'on ne prenait pas en compte les secondes qui s'écoulaient. Il referma les portes derrière lui, et eu très soudainement un haut le coeur. Quelque chose venait de le chiffonnait une minute plus tôt. Il vérifia à nouveau sa montre digitale, puis regarda la montre à aiguilles accrochée juste au-dessus. Il y avait... Quatre secondes de décalage!!!

*Fais chier... A croire qu'une montre digitale ne vaudra jamais une bonne vieille montre à aiguilles. Faut toujours qu'elle retarde... A quand un monde informatique parfait sérieux?*

Il l'avait déjà constaté lors de ses premiers cours dans ce lycée. En l'espace de 24 heures seulement, lors de la sonnerie des intercours, la première montre avaient parfaitement alignée ses aiguilles face aux traits correspondants, mais la seconde, elle, prenait souvent une demie-seconde de retard dans son affichage numérique, voire même une seconde entière. Ce qui était bien trop pour Fushi.

*Faudra que je songe à re-régler cette camelote. Mais dans l'immédiat je n'ai pas le temps, j'ai quelques petites choses urgentes à régler, et il me reste déjà moins d'une heure...*

Il se rendit dans le fond d'une gymnase, face à une petite armoire. Il en sortit trois armures en titanes. Ces grosses armures représentant des soldats tout entiers, comme l'on peut voir dans les films moyenâgeux ou des films où un château répond présent au scénario. Il les aligna près de mur, avec un ou deux mètres d'écart. Il repartit dans l'autre sens, et se plaça à l'opposé de ces armures, une trentaine de mètres les séparant de lui. Il se posta droit, de profil, et tendit son bras gauche en avant, poing fermé. Un arc de flammes se matérialisa dans sa main, qu'il tendit en attrapant la corde rouge sang jusqu'à son oeil avec sa main droite. Une flèche bleue, d'un bleu que l'on peut voir uniquement à la base d'une flamme, se dessina horizontalement au sein de l'arc, les plumes près de son oeil, la pointe meurtrière dans l'encoche de l'arc. Cette arme destructrice n'attendait plus que d'être tirée.

Le professeur visa la tête de l'armure centrale, leva légèrement la flèche au-dessus, baissa les plumes sous son oeil, expira tout son air, bloqua sa concentration, et un filet d'air sec se fit entendre. La flèche n'atteignit pas sa cible, elle s'envola dans les airs au bout d'une dizaine de mètres, comme une bougie éteinte par le vent. Fushi fût surpris de ce résultat, et renouvela l'opération une seconde fois histoire de finir sa volée, en décalant légèrement sa ligne de mire sur la gauche. La seconde armure était sa prochaine cible. Il lâcha la corde, mais le même effet se produit. La flèche part, et s'estompe peu à peu au cours de sa trajectoire. Fushi resta patient, mais s'inquiéta pour son pouvoir. Il généra alors dans sa main droite une boule de feu, de diamètre 3 centimètres, qu'il projeta contre la dernière armure, dont la tête s'empourpra quelques secondes.

Il sortit de l'intérieur de sa veste le grimoire que lui avait conseillé Akira le jour de leur rencontre à la bibliothèque. Il consulta la page qui l'intéressait

*Je vois, il faut charger plus d'énergie dans la flèche, et la contrôlait à distance... Chaud... Je suis un vampire pas un magicien moi!! C'est juste un don!*

Il retenta une nouvelle fois. Il fit apparaitre une nouvelle flèche, qui se teinta d'un bleu plus sombre. Un halo rouge obscur l'enveloppait cette fois-ci. Il visa un peu au-dessus de la tête de la première armure, et bloqua une nouvelle fois son air après l'avoir expiré. Le grincement de la porte lui fit rater son coup, mais la flèche atteignit bel et bien le mur cette fois-ci. Le sort fonctionnait, mais son tir venait de toucher la nullité. Il regarda en direction de la porte, où une tête se glissait timidement à l'intérieur. Il observa sa montre déréglée.

"_ Mademoiselle Hebi... Vous êtes en avances."

Hebi ne tenait plus en place.
Depuis que Fushi Metsugo lui avait proposé un entraînement personnel, une fois par semaine, la démone n'attendait que le jour où le premier commencerait. Elle souhaitait contrôler son Aura, donc ses émotions et ses pulsions sanguinaires.

Car son pouvoir fonctionnait ainsi. Hebi pouvait faire sortir son Aura à sa guise, mais elle n'en avait ensuite plus aucun contrôle. Et pour cause, l'Aura se mettait alors à consummer son âme, à la dévorer pour n'en laisser que la colère, la haine, la méchanceté, tous les sentiments qu'un démon devait ressentir en temps normal sans s'en sentir dérangé. Mais Hebi ne supportait pas cette Aura. Auparavant, elle faisait en sorte de ne pas la faire apparaître, ainsi l'Aura ne ressortait que lorsqu'elle était vraiment en colère. Mais depuis que William Walker lui avait obligée à garder l'Aura avec elle au moins une demi-journée chaque jour, elle devenait de plus en plus dure à contrôler. Elle ne pouvait plus prévoir quand l'Aura déciderait de montrer le bout de son nez. Et seul le sommeil la faisait disparaître.

Ainsi ce fut avec une impatience monstre qu'Hebi passa la nuit précédant l'entraînement à discuter avec Izumi, qui ne voulait pas non plus dormir. Elle lui fit part de son excitation, que son amie avait l'air d'approuver ; Enfin, à quatre heures et demie du matin, elle enfila son grand manteau noir et sortit en courant de la chambre. Elle n'avait pas peur de se faire enguirlander par un surveillant ; les sorties nocturnes étaient autorisées, tant qu'on ne faisait pas trop de bruit. Et Hebi était capable de se faire aussi discrète qu'un chat lorsqu'elle le désirait vraiment.
Elle franchit la grande porte du hall, traversa le parc, contourna la forêt, et entra dans le gymnase, bouillonnante d'impatience.

Il était cinq heures à présent. Fushi ne devait pas être là, le rendez-vous était fixé environ une heure plus tard. Mais Hebi ne pouvait plus attendre. Elle avait envie, presque besoin de voir le vampire. Mana ne l'avait pas accompagnée, trop ensommeillée, et Hebi se doutait que la panthère savait qu'il valait mieux qu'elle ne vienne pas. Non pas qu'Hebi n'en avait pas envie, mais elle avait un... sixième sens ? la poussant à rester allonger dans la neige plutôt que d'accompagner son amie.

Pénétrant dans le hall du gymnase, une odeur délicieuse envahit les narines de la démone, presque à l'en faire tituber. Toujours cette même odeur. Du miel sans doute, et puis l'odeur de la fourrure de Mana aussi... l'odeur enivrante des roses rouges, et des braises d'une cheminée. Ce combiné de sensations qui plongerait presque Hebi dans une transe douce. Elle savait que cette odeur était faite pour attirer les victimes du vampire. Mais pour elle, cela semblait bien plus puissant que cela. Beaucoup plus puissant.
Puis l'odeur du feu devint plus forte. Il était là. Et il s'entraînait. Elle en était sûre. Elle entendait le crépitement des flammes, en sentait la légère chaleur derrière la porte de la salle principale du bâtiment. Elle ne put plus tenir, et ouvrit doucement la porte, pour observer le vampire en action.


Et merde. ça grinçait.


Hebi en devint rouge de honte. Elle se prenait pour une voyeuse. Elle passa donc timidement la tête par la porte, certaine que Fushi l'avait entendue.
Et elle ne se trompait pas. Il l'avait vue. Il tourna la tête vers elle, l'observant de son regard glacial. La démone n'en rougit que plus encore. Ses yeux verts étaient vraiment trop pénétrants pour elle.
Puis il ouvrit la bouche, dont la voix grave dit avec un calme posé.

"_ Mademoiselle Hebi... Vous êtes en avance."

Hebi entra entièrement dans la salle, vêtue de sa tenue de combat entièrement en cuir marron foncé. Cette tenue ne faisait qu'augmenter son charme naturel de démon. Celui qui ne fonctionnait pas dans cet établissement. La séduisante démone semblait avoir perdu son charisme. Et cela la désolait. Le cuir ne faisait qu'augmenter ses courbes fines et mettait un tout petit peu en valeur sa petite poitrine. Ce jour-là, la démone dégageait une puissance presque palpable. Elle était à bloc.
Elle s'avança vers son professeur d'un pas légèrement intimidé.
"Veuillez m'excuser monsieur. J'arrivais pas à dormir..."
Puis elle vit les statues en titane, et comprit que le vampire s'entraînait au combat.
"Voulez-vous que je vous laisse vous entraîner ? Je ne voulais pas vous déranger vous savez."
Ses yeux noirs se posèrent dans ceux émeraude de son professeur. Elle sourit. De son sourire d'enfant, ce sourire innocent et doux qu'elle n'avait que très rarement ces temps-ci. Si elle avait été humaine un jour, Hebi aurait animé le coeur de plus d'un homme avec ce sourire si empli de joie et de douceur sincère...

"Si cela ne t'ennuie pas, j'aimerais en effet terminer un petit exercice que j'avais entrepris de faire le temps que tu arrive. Mais comme tu es en avance, je l'écourterais.
_ Non non! Ne faites pas cela voyons! Terminez d'abord ce que vous faisiez."

En guise de réponse, Fushi fit réapparaitre l'arc de flammes dans sa main gauche. Il avait bien compris l'astuce, et pensait pouvoir faire mouche cette fois-ci. Il se concentra, et reprit sa position initiale, avec un peu plus de recul. Près de quarante mètres, voilà la distance que la flèche devra parcourir. De profil, il tendit son bras gauche, arc tendu, flèche encochée. Il généra une puissance plus importante que tout à l'heure dans la flèche. En y prêtant bien attention, on pouvait constater que la pointe s'aiguisait encore plus, son corps s'affinait, permettant une meilleure vitesse, et les plumes s'allongeaient, pour une meilleure précision.

De nouveau il visa la statue du milieu, et positionna tout ce qu'il fallait comme un véritable archer. Il expira son air, bloqua sa respiration, et tira. La flèche contenait trop puissance, la tête de l'armure s'en retrouva au sol, rouge sang. Heureusement que le titane ne fond pas facilement....

"Bon, j'ai réussi mon exercice. Ca va donc nous laisser 2h37 pour notre entrainement, es-tu prête Hebi?
_ Oui, je le suis.
_ Sâche juste une chose avant. Je t'ai montré comment calmer ton Aura vis à vis de moi. Seulement, si je dois t'embrasser, ce sera du gaspillage. L'entraînement est fait que tu te contrôle toute seule. Si j'en viens à user de ce "pouvoir" contre toi, alors l'entraînement sera annulé, car ton Aura sera apaisé jusqu'au lendemain. D'accord?
_ Euh... Oui..."

Fushi voyait bien qu'elle disait oui parce qu'elle n'avait pas d'autres réponses possibles, mais ce serait une véritable torture pour elle.

"_ Bon, on va commencer dans ce cas. Je veux que quoiqu'il arrive, tu reste calme, et tu garde le contrôle de toi-même."

*Je sais qu'elle est attirée un minimum par moi. Ca se sent. Ca risque donc d'être un exercice trop compliqué pour elle...*

Fushi sortit un couteau de chasse de sa ceinture. Ca faisait longtemps qu'il n'avait pas pratiqué une telle manoeuvre de sa petite arme. Il plaqua la lame froide contre son poignet. Hebi eut un hoquet de surprise, et commença à courir vers le professeur :

"_ NOON!!!!"

Fushi fit un bond furtif d'esquive en arrière, et se taillada les veines en plein vol. Un filet de sang tomba au sol, en meêm temps que le vampire, donc le sang se faisait plus présent le long de son bras que sur le parquet lustré du gymnase. Hebi s'arrêta net. Son nez la picotait, vu qu'elle se le frottait. On aurait dit qu'elle s'efforçait de ne pas respirer. Fushi eut un léger sourire, malgré une certaine peur au ventre. Il souhaitait qu'elle se contrôle, il ne voulait pas l'embrasser. Ce serait inutile au premier exercice. Il la fixa avec un regard joueur.

"_ Que la partie commence!"

Hebi ne voulait pas déranger Fushi pendant son entraînement, et le fait qu'il veuille l'écourter la dérangeait. Elle avait peur d'embêter le vampire, de se coller dans ses pattes. Mais c'était lui qui lui avait proposé après tout...
Aussi elle l'observa attaquer une dernière fois l'être de titane. Elle fut impressionnée par la puissance de la flèche. Hebi n'avait pas du tout le niveau pour ce genre de choses, même si elle avait largement assez de magie pour le faire.

La tête de l'armure faillit exploser. Au lieu de cela elle fondit sous les yeux de la démone, et tomba sur le sol. Elle sourit avec amusement. Au moins, il avait réussi. L'odeur de brûlé précédente lui avait indiqué qu'il y arrivait pas...
Puis il se tourna vers elle. Il lui demandait presque quelque chose d'impossible. Aussi bien physiquement que moralement, elle ne POUVAIT PAS contrôler son Aura. Pourquoi lui demandait-il un exercice aussi difficile d'entrée de jeu ? En plus, elle risquait de se faire mal...


Puis il fit une chose à laquelle la démone ne s'attendait pas. Il sortit un couteau de chasse de sa poche, et l'approcha de ses veines...
Mais là, Hebi ne put pas se retenir. Elle ne voulait pas cela, elle ne tiendrait pas s'il faisait cela, pas le sang !!!
"NOON !!!"
Elle avait hurlé inconsciemment. En se précipitant vers lui pour lui arracher le poignard.
Mais trop tard. Le sang gicla.
Hebi les vit. Les gouttes, par terre. L'odeur alléchante de l'hémoglobine. Encore plus dans ce cas là, puisque c'était son sang à lui... Il ne pouvait être que plus délicieux n'est-ce pas ? Alors pourquoi ne pas se laisser tenter ?

Non ! Il ne fallait pas regarder. Il ne fallait pas sentir l'odeur. Elle s'était jurée de ne plus tuer ainsi. Elle ne voulait pas le mettre en pièce, pas lui, personne d'ailleurs...
Une goutte de sang avait giclé sur ses lèvres. Imperceptiblement elle la lécha.
Hummm...

Délicieux...

L'Aura sembla bondir hors de son corps. Ses yeux blanchirent à la vitesse de l'éclair. Depuis combien de temps la démone n'avait pas mangé ? Des mois peut être. Ce sang était tellement bon ! Si le sang était bon, la chair aussi alors. Mais il fallait goûter pour le savoir.

Ses yeux d'une blancheur de glace fixaient Fushi. Elle était possédée par son Aura. Où était Hebi ? A l'intérieur d'elle-même. Prisonnière du sang. De la destruction.

Elle se passa une seconde fois la langue sur les lèvres, sans quitter les émeraudes du vampire des yeux. Toute attirance physique était oubliée. Juste le sang...

Puis...

*NON !! NON NON NON !!! NON PAS LUI, DEGAGE DE MON CORPS TU ENTENDS ???? DEGAGE !!!*
Hebi poussa un cri de souffrance. Elle tomba à genoux, tremblante de tout son corps. L'Aura ne disparut pas. Ses yeux redevinrent noirs. Elle ne disparut pas. Elle s'accrochait, ce démon, Satan s'accrochait, voulait tuer l'homme en face d'elle, mais pas Hebi...

En proie à cette dualité violente, écoutant les "ploc ploc" du sang qui coulait, Hebi fut prise de convulsions, et éclata en sanglots incontrôlables. Les yeux pleins de larmes et en proie à une détresse sans précédent, elle jeta un regard implorant à son professeur de français. Jamais elle n'avait paru aussi faible, aussi pitoyable.

"Je n'y arriverai pas toute seule... Pitié aidez moi, aidez moi ! AIDEZ MOI !!!!"

Fushi observa longuement Hebi. Il savait qu'elle aurait beaucoup de mal à résister. Et pourtant... Malgré une tentation bien visible, elle restait figée sur place. Plus longtemps que le professeur ne l'aurait imaginé. Puis, en poussant un cri semblable à de la douleur mentale, elle s'effondra à genoux. Les yeux larmoyants, elle regarda son professeur et le supplia de l'aider. L'aider... Ce n'était pas au programme.

"_ T'aider à quoi? Je suis désolé, mais je sais simplement comment stopper ton Aura. Le reste, toi seule peut le faire. Attaque-moi. Je sais que le démon supprême gît actuellement en ton corps, et qu'il ne demande qu'à me tuer. Attaque-moi, sans pour autant lui laisser le contrôle. Respire mon sang, sans en perde la tête."

Il balança son bras en sa direction pour faire gicler quelques gouttelettes de sang sur le visage de la démone.

"_ Bois ce sang sans que Satan maitrise ta soif. Att...."

Le professeur ne put boucler sa phrase. La démone, cette fois-ci debout, se jeta sur lui dans un hurlement. Si ces réflexes n'étaient pas aussi entraînés, il serait déjà inerte sur le sol. Mais malgré d'excellents réflexes, sa jambe droite se retrouva blessée par une griffure importante, et à sa surprise, le sang qui coula n'était pas rouge, mais noir. L'Aura de la démone venait d'infiltrer son corps et son sang. Il fallait qu'il se soigne au plus vite, ou il finirait empoisonné. La démone le regarda dans les yeux, des yeux de haine, des yeux affamés.

*Fm. Dommage, elle a échoué. Satan a déjà pris le dessus.*

"_ Reprends-toi Hebi. Ne m'oblige pas à te blesser."

Nouvel assault, nouvelle esquive. Fushi se plaça dans les gradins, alors que l'assaillant cherchait sa proie dans tous les sens. Il la retrouva grâce à son nez.

"_ Satan utilise ton esprit, mais lorsqu'il sera nourrit, ce sera ton corps qui portera les blessures!"

Encore une attaque. Le vampire en avait assez de sauter dans les sens, et de courir. Il plaqua ses mains l'une contre l'autre, et généra un bouclier de flammes autour de lui. Il savait cette technique inutile, c'est pourquoi il se baissa. Le diable passa dans les flammes, griffes tendues, crocs ouverts, mais trébucha contre le professeur mis en boule. Ce dernier se retourna, et le bloqua dans des liens fait de braises.

"_ Ecoute-moi bien, si tu es incapable de contrôler ton propre corps, alors cela ne te sers plus à rien de venir. Ce sera le premier et dernier entraînement, sauf si tu me montre que tu possède encore une âme, plus forte qu'une malédiction qui te hante."

Le diable brisa les liens, et envoya valser le vampire d'une main. Il se releva difficilement, sonné par le choc du mur en plein visage, et la claque reçu, lui brûlant la moitié de sa joue. Droite. A croire que tout son côté droit du corps était condamné. Il se prépara à une nouvelle offensive, trop faible pour se protéger. Mais le démon hésita. Ses muscles étaient contractés, ses jambes avançaient de quelques millimètres par secondes. Mais quelque chose le paralysait.

*Ca y est... J'ai été un peu brusque, mais au moins ça a fait son effet. Elle essaie de reprendre le contrôle.*

Il ne m'aida pas.

Lorsque je compris cela, mon sang ne fit qu'un tour. Ma rage ne faisait qu'augmenter à chaque instant. Il me provoquait. Je n'en pouvais plus d'être déchirée entre deux mondes. Celui de la joie et celui du chagrin. De la mort et du bonheur.
Il se mit à me balancer une giclée de son sang en pleine figure. Je perdis le total contrôle de mon corps à ce moment là. Plus rien ne comptait que ma faim. Je ne pouvais pas tenir, sans avoir mangé. Maintenant j'allais manger.

Sa conscience s'arrêta là.

Hebi se jeta en avant et balança un coup de griffes bien précis en direction du vampire, qui n'eut pas le temps d'esquiver celui porté à sa jambe. Il avait parlé, elle n'avait pas entendu. Elle regardait le sang qui s'écoulait, noir, dans sa jambe. L'Aura faisait son travail. D'ici un peu de temps, elle paralyserait son ennemi.
En théorie seulement. Dans la mesure ou le poison doit affluer dans son système sanguin. Est-ce que cela marchait avec un vampire ?

La course-poursuite poursuivit, meurtrière, menaçante. Démente. Elle n'étais plus elle. Juste une machine à tuer.
Il parlait, mais n'y prêtait aucun attention. Sa bouche était chargée d'écume. Elle était en furie. Un monstre.

Elle allait lui arracher la tête. ça allait être génial. Vraiment gore.
Miam.
Puis à l'étonnement de la démone il lui fit face, et bâtit un bouclier de feu. Elle ricana. Vraiment pitoyable cette méthode de défense.
Elle traversa le feu avec une facilité déconcertante, mais trébucha sur son professeur et tomba.
Et puis sa partie consciente s'éveilla en entendant cette phrase.

"_ Ecoute-moi bien, si tu es incapable de contrôler ton propre corps,
alors cela ne te sers plus à rien de venir. Ce sera le premier et
dernier entraînement, sauf si tu me montre que tu possède encore une
âme, plus forte qu'une malédiction qui te hante."

La colère générée par les deux états de son âme brisa les liens et envoya balader l'homme avec une violence ahurissante. La fureur n'avait pas d'égale aux yeux d'Hebi. Et puis lorsqu'elle le vit peiner pour se relever, une vague de chagrin la traversa.

Je tentai de reprendre le contrôle de moi-même même si la difficulté était presque insurmontable. Ma faim était trop puissante. J'avais l'impression que je ne pouvais empêcher mon démon d'avancer. J'avais peur. De moi-même.
Je me concentrai de toutes mes forces. L'odeur du sang de Fushi était pour moi un véritable nectar. Il fallait que je cesse d'y songer, mais les gouttes de sang qui avaient giclé sur moi faisaient leur effet. Ma faim l'emportait sur tout le reste. J'essayais de stopper les pas de l'Aura. Et j'y arrivais légèrement. J'avais envie de le revoir. C'était bien plus fort que ma propre raison. C'était un véritable besoin. J'avais... oui, j'avais besoin de lui.
Face à moi, il sourit de satisfaction, en me voyant me débattre avec moi-même. Il ne ferait pas un mouvement. Il voulait que je l'attaque sans pour autant utilier mon Aura. C'était une épreuve extrêmement difficile, compliquée.

Je bloquais ma respiration. Son odeur, son odeur !!! J'étais littéralement transportée. A tel point que je finissais par haïr ce parfum. Il me poussait dans mes derniers retranchements.
Je fermai les yeux, le temps qu'ils reprennent leur couleur normale. Je savais que l'Aura ne partirait pas. Je le savais parfaitement. Il me faudrait des semaines d'entraînement pour la contrôler. Or, je ne disposai encore pas de ce temps. Seul lui pouvait décider à ma place.

Ses mots m'avaient effrayé. Le seul moyen de le voir ainsi était lors de l'entraînement. Bien que le contrôle de moi-même ne soit pas une partie de plaisir, j'avais envie d'y aller. Je n'avais pas tenu en place. J'avais embêté Izumi pendant la nuit. Alors je souhaitais profiter plainement de cet entraînement.
Malgré moi, mes yeux se réouvrirent. Mais je ne crut pas en perdre le contrôle pour cela.
Je savais qu'ils étaient redevenus d'une couleur normale. Mais ce que je savais aussi, c'était que je ne pouvais me dépétrer du regard plein de souffrance que je lui adressais. J'étais agitée de convulsion. Ma partie de paix se battait contre la tuerie. Je commençais à supporter le sang sur mon visage. J'en léchais même une goutte sans pour autant en être prise de frénésie.

Les yeux d'Hebi brillaient d'une lueur intensément belle. Sa peau blanche couverte de sueur sous l'effort herculéen qu'elle avait dû faire pour résister rendait sa peau brillante. Ses poings serrés tremblaient. La douleur mentale se transformait peu à peu en douleur physique. Les convulsions étaient violentes.
Elle était en train de s'empoisonner elle-même.
Elle tituba. Les vertiges commençaient à apparaître. Elle ne pouvait presque plus parler. Elle se sentait faible, si faible, face à la puissance de son Aura.

Le regard d'Hebi se posa dans les yeux pistache de Fushi. A l'intérieur ils brillaient de douleur et de faiblesse, mais aussi d'un courage apparent. Ils étaient tellement expressifs en cet instant, que si on les observait mieux, on pouvait y voir l'amour.
L'amour et l'attachement profond qu'éprouvait Hebi. Elle ne put bloquer le sentiment puissant qui la prenait. Ses yeux la trahissait. Elle l'aimait, cet homme blasé qui la regardait avec la concentration d'un horloger. Même si elle savait que tout cet amour, elle ne pourrait pas le partager. Ses yeux le montraient. On y voyait l'amour.
Elle frissona.

"Je... suis calme... et maintenant ?" questionna-t-elle sans le quitter du regard.



A cet instant, la démone et ses yeux étaient vraiment d'une beauté rare.

Le professeur plaqua sa main contre le mur, histoire de ne pas s'effondrer à même le sol. Déjà qu'il avait du mal à se tenir droit... Puis la démone le regarda. Elle était calme apparemment, et réclamait la suite. Qu'à cela ne tienne.

"_ Maintenant? Fm. Maintenant tu vas me combattre sans perdre le contrôle. Si Satan prend à nouveau le dessus, je serais obligé d'être violent une fois de plus, et te tuer n'est pas le but de cet exercice *ni même de me jeter au suicide*. Alors maitrise tes pulsions meurtrières s'il te plait. Je sais que c'est compliqué.
_ Vous combattre.... Mais vous... êtes si faible...
_ Je t'assure que non. Allez viens, je t'attends!"

Fushi regarda clairement le regard d'Hebi, et ses premières hypothèses commençèrent à se forger.

*Ce regard... La seule fois où je l'ai vu... C'était... Non! Je ne dois pas penser à cela! Où là je serais entièrement affaibli!*

La démone se rua sur lui, dans l'idée de le combattre et non le bouffer en x morceaux. Voire peut-ètre même qu'un. Main tendue en avant, l'Aura se concentra en ce lieu. Main noire tendue droit vers Fushi. Main meurtrière. Le vampire s'écarta furtivement sur le côté tout en se baissant. Mais il se trouvait lent. Certes, malgré la vitesse impressionnante des gestes de Hebi, il réussit à l'esquiver. MAIS! Il se trouvait lent. Trop lent à son goût qui plus est. Quelque chose le ralentissait. Tout en combattant la démone, il chercha à déterminer ce qui l'empêcher de ne pas recevoir de coups tout en gardant une main dans la poche.

*La poche... Ma jambe droite!!*

Très tardivement, il se rappela de sa blessure avec l'Aura qui se propageait dans ses hémoglobines. Elle remontait le sang, comme un saumon remonte la rivière. Sauf qu'un saumon ça se déplace. Ca ne s'étale pas...

"_ Deux minutes Hebi!"

La démone, surprise, eû du mal à stopper son attaque, et Fushi reçu un coup dans l'estomac. Heureusement pour lui, elle avait réussi à diminuer l'impact du mieux qu'elle pouvait. Il s'empressa de vérifier si l'Aura ne l'avait pas touché. Quoique... Son premier regard, aussi furtif qu'il fût, s'était porté sur la jeune fille. Elle était épuisée, mais on ressentait une grande volonté de s'améliorer, quitte à se tuer de fatigue. Et ses yeux...
Tout en analysant sa jambe à moitié paralysée, il ne pouvait s'empêcher de penser à de vieux souvenirs.

*Il faut qu'elle stoppe ce regard. Je ne le supporterais plus très longtemps... Est-ce que... M'aimerais-t-elle?*

Le professeur était véritablement perturbé, tout allait et venait dans sa tête. Sa dernière 'femme', si on peut employer ce terme vu qu'ils ne se sont jamais mariés... Sa dernière fiancée plutôt donc, et sa seule copine de toute sa longue existence, portait exactement le même regard sur lui dès qu'il la comblait de bonheur. Et ce n'était en rien difficile. Il lui suffisait d'être au près d'elle.

*Assez! Je ne veux pas me rappeler tout ceci, c'est loin derrière moi!*

"_ Ca ne va pas professeur?
_ Si si... Tout va bien mademoiselle, balbutia Fushi... Je... Dois juste effectuer une chose. Cela risque de vous déplaire mais tant pis."

La jeune fille grimaça. Quand il disait cela, c'était en effet un acte écoeurant, selon Hebi, qu'il commettait. Il reprit son couteau de chasse, et se taillada le haut de la cuisse. Le sang était encore rouge. Il refit une autre entaille, tout aussi profonde, un petit centimètre au-dessous de la première plaie. Cette fois-ci le sang était un rouge mélé à du noir. L'aura avait donc déjà parcouru les trois quart de sa cuisse.

"_ Patientez ici s'il vous plait."

Hebi acquiesça, bien qu'elle voulait lui dire non, craignant le pire avec ce professeur. Ce dernier se rendit au fond du gymnase, une nouvelle fois devant la petite armoire dans laquelle il avait sortit les armures de tout à l'heure. Il en sortit cette fois-ci une barre en acier. Elle avait une longueur de dix centimètres.

*Ca va... Celle-ci ne sera pas trop handicapante. De toute manière, c'est la plus courte que j'ai sous la main... Pourquoi Mokona a ce regard... Il ne faut pas qu'elle m'aime...*

Fushi se sentait mal. Etouffé par des choses qu'il refusait de s'admettre. Il n'était pas indifférente au charme de son élève. Pour ne pas devenir fou, il chauffa sa main, et aiguisa le bout de barre d'acier, de diamètre, un centimètre et demi. Une fois bien pointue, il saisit sa lance à pleine main et se l'enfonça rapidement dans la jambe, entre les deux coupures qu'il s'était infligé. Il en sortit une deuxième qu'il aiguisa également. Après une brève vérification au couteau, il situa la limite de l'Aura sur le bas de sa jambe cette fois-ci. Elle était non loin de sa blessure initiale. Le craquement du tibia se fit entendre lorsqu'il pénétra cette deuxième arme dans sa jambe. Il chauffa les deux barres, de façon à ce qu'elle soit juste assez chaude pour brûler la main d'un humain, mais juste assez froide pour qu'elles ne fondent pas. Hebi poussa un cri de terreur lorsqu'elle prit le courage de regarder ce que fit son professeur. Ce dernier se justifia de la manière suivante :

"_ Votre Aura est en train de se faufiler dans mon corps comme un poison. D'après mes connaissances en science, et en magie, le seul moyen de la neutraliser, et qu'elle n'aille pas plus loin en moi est la maintenir dans une chaleur surpassant les 100°C. On peut reprendre."

Sa jambe était inerte à présent, mais cela guérira avec un peu de temps. Pour le moment il n'avait pas d'autre solution. Il se mit en position de combat. En revoyant le sourire de Hebi, il ne put s'empêcher d'esquisser un faible sourire.

Le sang. Une odeur puissante, forte, et alléchante. Hebi y résistait du mieux qu'elle pouvait. Elle s'y efforçait, malgré les pires peines qu'elle pouvait éprouver. Et la douleur était puissante. Son Aura, qui ne pouvait se développer comme elle le désirait sous l'influence du sang, empoisonnait son corps, qui faiblissait à vue d'oeil.
Mais il n'était pas question de le dire à l'homme qu'elle regardait avec autant d'intérêt et de fascination. Elle devait tenir et le battre.
La blessure à sa jambe empirait d'un instant à l'autre. Pourtant il ne semblait pas s'en rendre compte.
Avec un ultime effort de concentration, elle se précipita sur son partenaire avec une envie de le liquider de sang froid. Elle retenait quelque peu ses coups, juste assez pour qu'il ne le remarque pas. Elle ne voulait pas qu'il souffre, il semblait tellement faible !

Je voyais qu'il peinait mais ne faisait rien pour l'aider, car je savais parfaitement qu'il m'en voudrait. Cet homme était un solitaire, et je ne le savais que trop bien. Alors, la main noire d'une Aura meurtrière concentrée dans la main, je me jetai sur lui. Il esquiva la coup avec rapidité, mais je sut parfaitement qu'il aurait plus être plus rapide.
Tant pis. Il me cherche, il me trouve.

"_ Deux minutes Hebi!"

Merde ! Je tentai de retenir mon coup au maximum, mais je ne put que l'atteindre au ventre, sans lui laisser le choix. Il accusa le coup avec un courage apparent. C'était déjà cela. Pourtant je n'avais pas été de main morte, c'était clair.
Mes yeux s'attardèrent sur lui, et son regard ne m'échappa pas. Avant d'observer l'étendue des dégâts il me regarda moi... et s'en détourna aussitôt, troublé, gêné, perturbé, je l'ignorai. Encore une énigme. J'étais inquiète par la blessure que je venais de lui infliger.
Il m'ordonna de rester là, je lui oéissai, malgré mon envie de l'aider. Je pouvais soigner sa blessure. Mais apparemment, il était capable de le faire lui-même.

Je poussai un hurlement en regardant son ouvrage. L'Aura était stoppé. Mais le sang coulait encore. Et il avait deux barres de fer enfoncées dans la cuisse.
Je retins un haut-le coeur avec force efforts. Mais il voulait continuer. Fort bien.

Je courais dans sa direction, furie au milieu de la tuerie, avec cependant un calcul de la traque maîtrisé. J'avais le désir instinctif de le tuer, il représentait pour moi un ennemi dangereux. Aussi je ne lui laissai qu'à peine le temps de se remettre en place. Je bondis sur lui, il esquiva. Feinte.
A la vitesse d'un éclair je me retrouvai dans son dos et je sautai sur ses épaules, enfonçant mes mains griffues entre ses omoplates. Il se dégagea rapidement. Je léchai mes doigts couverts de sang. Je devais le boire, pour ne pas en avoir l'odeur entêtante.

Je sentis que le poison s'infiltrait peu à peu dans mon organisme. L'Aura s'activait. Je n'avais jamais entendu d'histoires d'un démon de sang mourant sous l'emprise de sa propre Aura. Mais je n'avais pas envie de la vivre moi-même.
Alors je fis ce que je n'avais pas fait depuis sans doute deux cent ans.
J'agrippai violemment mon haut et l'arrachait. Il ne restait plus que ma brassière de sport visible aux yeux du vampire, mais cela m'était égal. Ma poitrine n'étais pas nue et il fallait que j'enlève ce haut pour accomplir ma tâche.


Fushi se remit de sa blessure dans le dos rapidement. Aussi il ne vit pas aux premiers abords ce que la jeune femme était en train d'accomplir.
Lorsqu'il tourna la tête, il la vit. Sans doute fut-il surpris de la voir en soutien-gorge devant lui.
Enfin, au-dessus de lui.
Car si Hebi avait commit cet acte impudique, ce n'était pas pour faire un jeu de charme à son professeur de français.
Elle s'était elevée dans les airs, les bras écartés, les yeux clos. Il fallait beaucoup de force à Hebi pour les faire apparaître. Mais elle était un démon. Tous les démons savaient faire cela.
La peau de son dos se déchira, éclaboussant le sol de quelques petites gouttes de sang.
Puis elles sortirent.

De magnifiques ailes noires comme l'ébène, longues et fines. Mouillées pas le sang produit par le déchirement de sa peau, mais Hebi ne ressentait plus la douleur. Les plumes couleur corbeau étaient d'une beauté sculpturales. Hebi n'utilisait ses ailes qu'en cas de danger inévitable.
Or pour elle, il était ce danger inévitable.
Hebi poussa un rugissement, complètement métamorphosée sous sa forme de démon. Elle n'en restait pas moins belle et fascinante.

"ça alors..." s'autorisa le professeur de français, franchement surpris. Ses yeux parcouraient le corps d'Hebi.

Le véritable entraînement pouvait commencer.

Avec une espèce d'envie de vomir, la démone réattaqua dès qu'elle y fût invitée.

*On dirait qu'elle souhaite véritablement ma mort, c'est pas bon ça.*

D'un simple geste, il esquiva son offensive aisément. Mais cette dernière avait prévu le coup, depuis qu'il ne cessait de se mouvoir et de ne rien prendre par les dents. Elle retomba sur son dos, les griffes enfonçées entre les omoplates. Dans un râle de douleur, bloqué entre ses dents, il se dégagea, et s'éloigna de ce danger. Alors qu'elle léchait ses doigts avec gourmandise, lui, se pencha en avant et concentra son énergie dans son dos. Les deux profondes blessures se refermèrent à vue d'oeil, ne laissant plus apparaître que deux vilaines cicatrices. D'ici demain, il n'en serait plus rien. Puis il se retourna, prêt à affronter la nouvelle vague de coups. Mais Hebi n'était plus. Il ne restait que son haut, en lambeaux.

*Qu'est-ce que ça signifie... une nouvelle ruse?*

Il chercha sa cible dans tout les sens, et la découvrit au dessus du sol, à flotter par magie, en soutien-gorge.

*Qu'est-ce qu'elle fait. Me faire les jolis yeux, ça passe, mais ça, ça ne passe pas!*

Il voulut lui demander de redescendre et d'avoir la descence de se ré-habiller, quand elle sortit des ailes démoniaques, noires comme le pelage d'une panthère (vous savez, celle du Livre de la jungle, Bagheera). Cette fois-ci, elle était véritablement un démon. Elle lui montrait sa véritable nature, ce qu'elle renfermait en elle. Un corps purement magnifique. Ces splendides ailes apparurent dans une éclaboussure de fines goutelettes de sang.

"_ Ca alors..."

*Cette fois-ci, on va vraiment jouer. Puisqu'elle veut sortir le grand jeu... Et si je veux conserver ma tête là où elle est. Il va me falloir me métamorphoser à mon tour... Mais là, je risque ma vie...*

Fushi se recroquevilla sur lui-même et laisse son énergie déferler en lui. Son corps prit instantanément combustion. Recouvert de flammes, la peau de Fushi se mit à couler pour se répandre sur le sol. Le sang était en train de bouillir, de s'évaporer ou de se mêler à la peau fondue qui tranait par terre. Les barres en acier disparurent, et l'Aura évacua son reste de chair et de sang par la même occasion. Puis le professeur se releva, et les flammes disparurent d'elles-même, comme elles étaient apparues.

Le vampire était devenu méconnaissable. Sa peau blanche avait viré à une peau beaucoup plus sombre, toujours blanc, mais se rapprochant plus à la peau d'un cadavre vieux de 300 ans que du lait qui vient d'être trait. Les rides marquaient son visage de creux impressionnants. Les fissures recouvraient l'intégralité de son corps, qui donnait l'impression qu'il pouvait être balayé d'une simple brise d'été, éparpillant chacun de ses membres partout dans le gymnase en poussière. La peau qui lui restait, était intimement lié à ses os, si bien qu'on avait l'impression de voir un squelette et non un vampire. Ses canines, toujours en place elles. Ses yeux brillaient d'un rouge sombre menaçant. Fushi, portant d'ordinaire une expression froide, sèche, et celle d'un homme distant avec le monde, avait cette fois-ci le visage d'un tueur gravé en lui.

Alors que la démone ne savait que faire, elle réagit au bruit désagréablement de craquements d'os et de peau qui se déchire. Une première aile, faible, de la même couleur que les yeux de son propriétaires, se déploya dans son dos, puis se secoua pour se dégourdir. Une deuxième, dans le même bruit sourd de torture, fit son apparition. Le professeur leva la tête avec lenteur, pour être sûr qu'elle ne tombera pas dans un geste brusque, et prononça au démon d'une voix essoufflée :

"_ On peut commencer..."

La démone eut un ricanement. Cela serait trop facile pour elle. Mais plus elle avançait, et plus le vampire semblait prendre des couleurs. Des forces. Ce qu'elle n'avait pas vu. C'est que tout le sang qui trainait au sol, ainsi que le liquide formé de sa peau était comme aspiré, et trainé jusqu'à ses pieds, pour remonter dans ses jambes. Ces dernières avalaient ces liquides, ce qui fournissait une force pour le vampire. Une autre sorte de régénération. Alors qu'une main séparait le vampire du diable, le professeur disparut sous les yeux de l'élève. Il s'était simplement envolé, mais cela lui fit gagner un minimum de temps, le démon étant déstabilisé. Ses forces étaient presque au complet. Il ne lui manquait plus que quelques gouttes du démon, et il serait certain de survivre à ce combat. Le diable regarda au-dessus de lui, et vit le même vampire, mais comme s'il avait 20 ans. Un corps parfait, des muscles taillés pour le combat. Des ailes redoutables, et d'un rouge vif.

Le vrai combat commence.

Hebi n'aurait jamais cru que quelqu'un pouvait avoir une apparence plus repoussante que la sienne lorsqu'elle était sous sa forme de démone.
Mais si.

Lorsque Fushi comprit que la démone s'était lancée dans un combat à mort, il avait décidé de sortir le grand jeu...
Et s'était littéralement liquéfié sous ses yeux, laissant place à une créature monstrueuse, vieille et laide à faire peur.
Même son odeur avait changé. Le vampire sentait à présent la mort. C'était terriblement cruel. Mais lorsqu'il s'envola, elle éclata de rire. Quoi, c'était cela, qu'elle allait combattre ? Ce minable morceau de chair pitoyable ?

Mais son rire se transforma bien vite en hoquètement de surprise. Jamais elle n'aurait pensé que le vampire puisse être aussi puissant. De plus, il avait pris un corps absolument magnifique. Ses ailes étaient terrifiantes, mais le reste de son corps était splendide.

Une bataille sans merci allait se jouer à l'intérieur du gymnase. Ce qui me fit le plus froid dans le dos, ce fut certainement le fait que l'Aura ait été aspirée par mon camarade sans même qu'elle lui fît le moindre mal. Je savais qu'à présent le combat allait être d'une violence sans merci. Je n'attendais d'ailleurs que cela. Même si mes dernières énergies étaient en jeu.

Car ce que Fushi ignorait, c'était qu'il venait de me pousser dans mes derniers retranchements. Malgré mon aspect combatif, je risquai de ne pas tenir plus de vingt minutes face à un adversaire comme lui. Mais le jeu en vallait la chandelle. Je désirai ardemment lui montrer le meilleur de moi-même. Et sans doute étais-je capable de le faire. Mais la faiblesse de mon esprit pourrait profiter à l'Aura. J'en étai également consciente. Mais au fond de moi j'étais certaine que je ne tuerai pas Fushi ce jour. Non, je n'étais pas assez forte. Ou plutôt... pas assez stratégique.

Je m'élevai dans les airs avec une grace presque féline en me mettant à sa hauteur. De ma bouche s'échappa un grondement rauque. Si une seule goutte de sang coulait, je devais absolument la boire. Que ce soit son sang ou le mien. Je devais le saigner jusqu'à ce qu'il perde ses forces.
Ensuite je pourrai le dévorer à ma guise.
Je sursautai. La revoici qui revenait à la charge. J'envoyai une attaque mentale pour la bloquer. Non. Si l'Aura se réveillait à un moment aussi crucial, Fushi serait tué. Je n'étais pas un démon de sang pour rien. Et cela, je supposais qu'il le savait.

M'élevant un peu au-dessus de lui, je concentrai mes forces pour créer une boule de lumière autour de moi. J'étais un soleil, l'espace d'un instant. En vérité, je cherchai surtout aveugler mon adversaire.
Ce petit jeu marcha le temps suffisant pour qu'il passe un bras devant ses yeux. J'en profitai pour lui envoyer un bon coup de griffe sur le bras. L'Aura ne le toucha pas. Le poison contenu dans mes griffes, si. Il n'était pas aussi dangereux que l'Aura. Il ne faisait que produire une douleur intense à l'endroit de la blessure. Pour les combats amateurs, cela marchait à merveille.

Mais Fushi maîtrisait sa douleur et le maniement de ses ailes, à la différence de moi. Il m'envoya contre le mur avec un bruit énorme. Mon dos sembla se briser en milles morceaux. Mais l'Aura me soignait. C'était bien un de ses rares avantages.
Je me remettais prestement et me jetai à nouveau sur lui. J'essayais de le mordre, de le griffer, mais sa rapidité extrême me donnait des difficultés. Je parvins cependant, au bout d'un moment de lutte acharnée, à l'attraper par les épaules et à le projetter violemment au sol. La force du choc fit un trou dans le sol. Je m'apprêtai à plonger mes dents dans son cou, et à le saigner à blanc. J'avais gagné.

Une boule de feu projettée en plein ventre grilla tous mes espoirs d'un seul coup. La douleur me fit reculer d'au moins dix mètres. Je me tins le ventre, gémissante. Il avait tapé fort. Un peu trop fort.
Ma tête bourdonnait. Je sentais le sang couler de mon ventre, mais je ne regardai pas. Je m'envolais le plus loin possible de lui. Lui se relevait et m'observait avec un sourire machiavélique. Il sentait qu'il avait repris le dessus.

Je décidai de m'envoler. Je ne pouvais pas lui faire face tant que ma blessure ne serait pas soignée. Mais il revint à la charge.

Et ma peur fit ce qui n'aurait jamais dû arriver.



Hebi explosa d'une rage qu'elle ne pouvait plus maîtriser. Sa terreur, sa peur de mourir, avait éveillé son instinct de survie.
Lorsque Fushi fondit sur elle, un cercle d'Aura se forma autour d'elle, formant une onde de choc terrible qui envoya son ennemi s'écraser au loin. Tout le corps de la démone n'était à présent plus que brasier. Mais si on regardait plus près ses yeux blancs on voyait les larmes de terreur qui coulaient silencieusement le long de ses joues. Elle avait peur, tellement peur ! Plus rien ne comptait à part l'élimination de son ennemi. Son visage crispé sous la douleur que lui procurait son corps tendu ne faisait qu'augmenter sa puissance.

Lorsque Fushi se remit sur ses pieds et vit l'apparence du démon, il écarquilla les yeux.
Jamais sans doute aurait-il pensé que la puissance d'Hebi puisse aller aussi loin. Les flammes que dégageaient le corps de la démone atteignaient les vingt mètres. Tout son être respirait le maléfice qui régnait en elle et lui dévorait lentement son âme. Elle n'était plus en colère. C'était bien pire que cela.
C'était la terreur non dissimulée, ce besoin de tuer pour survivre. Fushi sembla le sentir. Lorsque la démone fondit sur lui, il poussa un hurlement.

"NOOON !!"

Fushi se releva très difficilement, le choc de l'Aura de la démone l'avait bien sonné cette fois-ci. La démone, le diable, Satan, peu importe la désignation de ce monstre, ne possédait plus un corps humain. Qui possèderait un corps fait uniquement de flammes en même temps? Fushi ne voulait plus attaquer, il se savait faible. Il croyait avoir déjà vu toute la puissance de son élève, mais voilà un nouveau visage dont il ignore tout. Il savait simplement que sa force avait grandit. Etait-elle enfin à ses limites? Le professeur lui, avait déjà tout donné. Il était faible. Il n'était rien face à Hebi. C'est pour ça que combattre serait suicidaire, mais il n'avait pas d'autre option. Il devait la calmer, ou mourrir. Et, comme un individu normal, il préférait la première solution. Alors qu'il réfléchissait à un moyen d'atteindre ses lèvres, la démone fonça sur lui. Fushi ne pouvait plus esquiver. C'était la fin. Il en était fini de lui. La peur s'empara de lui :

"_ NOOOOON!!!!!!!"

Il se masque les yeux avec son bras gauche, qui s'embrasa. Un arc de feu, plus puissant que tout à l'heure appraut dans sa paume.

*Comment est-ce possible? Je n'utilise pas la magie?! Comment ce sort peut-il s'activer tout seul?!*

Mais l'heure n'était pas aux questions. Il lui fallait agir, et maintenant. Il roula sur le côté, permettant d'éviter des lames enflammées en plein ventre. Il se releva, pour être accroupi, et chargea une flèche bleue. Il ne prit pas le temps de viser, juste de concentrer de la puissance dans la flèche pour que son feu à lui puisse traverser celui des Enfers, et blesser le démon quelques instants. La flèche partit, et une explosion de flammes lui revint au visage, ne lui provoquant que de la surprise, et non des dégâts. La démone aussi fût surprise. La flèche n'était pas composée du feu, mais de gaz. Le professeur était affolé, il ne maitrisait pas d'autres sorts que le feu. Comment tout cela pouvait-il être possible?

Les gradins de la salle s'embrasèrent. La démone refit une nouvelle charge, qui propulsa Fushi dans un mur. Le visage ensanglanté, les os broyés, il n'abandonna pas pour autant. Sans quitter le creux de son mur, il chargea une nouvelle, prenant soin de bien concentrer des flammes. La démone couru vers lui, qui tira son arme. La flèche, durant son vol, se matérialisa en une arme d'acier, meurtrière pour un humain. Elle se planta dans la jambe gauche d'Hebi, qui poussa un cri de douleur, et commença à retirer cette arme.

*C'est l'occasion ou jamais!*

Alors que le démon ne prêta plus attention au vampire, ce dernier chargea vers lui. Le démon s'en rendit compte tardivement, et tenta de l'envoyer valser avec une claque tout droit venue des Enfers. Fushi effectua une glissade au sol, laissant penser au démon qu'elle l'avait touché. Mais il s'agrippa à son dos, attrapa sa tête, et la retourna face à lui, laissant entendre quelques cervicales craquer. A moins que ce ne soit le crépitement des flammes. Ses lèvres se posèrent sur celles d'Hebi. Mais il ressentit aucune douleur. Mais plutôt une sorte de plaisir. Les flammes cessèrent de parcourir le corps du démon, qui retrouva forme humaine. Avant de tomber dans le coma, Hebi prononça d'un souffle que le professer ne pût entendre :

"_ Je t'aime... Pardon."

Le professeur déposa lentement le corps de son élève au sol. Il se sentait partir lui aussi. Cela risquait d'être dangereux de rester seuls dans le gymnase. Aussi, avant de faire un malaise, il généra une puissante boule de feu, et incendia le toit du gymnase. L'alarme s'enclencha, mais Fushi ne put l'entendre. Le dernier son qu'il entendit fût le bruit sourd de son corps, tombant sur celui de son élève.

Fushi sortit de sa douche. L'eau était agréablement chaude le matin. 4h47. Probablement le premier cinglé de ce château à prendre sa douche dans la journée. Il était donc normal que l'eau soit chaude. Mais Fushi ne se concentra plus sur la délicieuse sensation que lui provoquait la douche. Il était... 4h49!!!! De sa belle voix de ténor, il hurla sur un magnifique sol aigu :

"_ CH'UI EN RETAAAAAARRD!!!!!!!!"

Imaginez la scène. Un professeur, appelons-le Fushi, complètement maniaque, et d'une ponctualité sans égal. Et là, il découvre au moment de sa douche, que la sensation de bien-être l'avait mis en retard. Tentez de visualiser ce qui suit. Ce Fushi donc, ouvre la porte, s'essuie grossièrement, et jette sa serviette au sol de la salle de bain. D'un rapide coup de peigne il éparpilla ses cheveux humides, et posa le peigne en vrac près du lavabo. En fermant brutalement la porte, il renversa le peignoir qui y était accroché. Si vous vous souvenez, notre spécimen de cette semaine, est maniaque. Quelle horrible surprise va-t-il avoir en allant se laver les canines le soir!

Se rendant aussitôt dans la cuisine, il compris qu'il était nu! Demi-tour dans la cuisine, renversant au passage une chaîse. Une fois habillé à la va-vite, il attrapa sa montre qui tranait sur la table en bois de la cuisine. Rapidement il l'accrocha à son poignet, et consulta l'heure. Même note, même hauteur.

"_ JE SUIS EN RETAAAAAAAARD!!!!!"

Le Fushi était bien entendu déboussolé! Ne sachant plus où il devait aller, il se mit à courir à vitesse folle autour de la table, puis se dirigea à l'extérieur. Même note, une octave de plus.

"_ J'AI PAS PRIS DE CAFEEEEEEEEEE!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!"

5h05, demi-tour! Nouvelle direction, la cuisine. Le professeur se précipita à son comptoir, et se servit un délicieux café, très rapidement en fait. Se l'enfilant d'une traite, et repartant aussi sec hors de sa chambre, générant un envol d'un tas de copies phénoménal! Quel scène cauchemardesque pour un maniaque!

Le Fushi, ponctuel, regarde sa montre pour en voir où il en est.
5h08. Cette fois-ci, le stress atteint son sommet!

"_ JE SUIS DEFINITIVEMENT EN RETARD!!!!!!!!!!!!"

Imaginez maintenant un vampire courir comme il le pouvait pour quitter sa chambre, et rejoindre le gymnase. Un peu comme on le voit dans ces dessins animés débutants, les pieds en forme de roue, et de la poussière! Le Fushi, essoufflé, soupira un grand coup, et repris un "visage" plus adéquat à la société. Il ouvrit la porte. Naturellement la démone était déjà là. Puis une pensée lui poignarda l'estomac.

*Je... J'espère qu'elle ne m'en veut pas pour la dernière fois... J'ai été... Dur avec elle... Il faut que tout se passe bien aujourd'hui. Je ne veux pas qu'il lui arrive du mal!*

Puis, en expirant une nouvelle fois, il prononça d'une voix grave :

"_ Bonjour mademoiselle Mokona."

"_ Continuer? Nous n'avons même pas commencé. Toutes fois, il y a quelque chose qui me dérange en effet.
_ Hum... De quoi s'agit-il?
_ Trois fois rien, de rien à vos yeux, il s'agirait de trois fois rien. Mais il me semble que le cadre photo à l'entrée de ma chambre était légèrement décalé sur la gauche...
_ Professeur! Vous croyez que c'est l'heure de penser à cela?
_ Techniquement, votre entraînement ne débute que dans une demi-heure mademoiselle Mokona.
_ Oui, enfin bon, je suis en avance alors autant en profiter non?
_ Vous avez raison, allons chercher des armures dans la remise au fond."

Fushi affichait une expression troublée. Son élève semblait attristée. Pourquoi cela? Préférant ne pas y songer, il accompagna Hebi jusqu'à la remise. Cette dernière ouvrit la porte pour en sortir deux armures en titane.

"_ Et maintenant pro... ?!"

A la place du professeur volait un petit bout de papier, sur lequel était inscrit dans une magnifique écriture :
"Désolé, mais ce cadre me gène beaucoup, je suis parti vérifier si tout est en ordre, et me prendre un autre café par la même occasion, à tout à l'heure mademoiselle."

La démone n'eut pas le temps de s'énerver, car un cri, semblable à une fille qui se faisait agresser dans la rue, retentit dans ses oreilles, comme si le crime avait lieu devant elle.
_____________________________________________________________

Fushi arriva dans sa chambre. En découvrant l'êtat de la cuisine et de sa salle de bain, il poussa un hurlement à en alerter le gouvernement mondial. Brièvement il rangea l'intégralité de la pièce. L'avantage d'être un vampire, c'est bien la vitesse. En l'espace de quatre minutes, il se retrouva à nouveau de son élève, agacée :
"_ Vous êtes venu pour me faire suivre un entraînement ou pour me faire une crise à cause de votre maniaquerie?!
_ Je... Pardonnez-moi."

En temps normal, le professeur ne se serait pas laissé démonter ainsi, encore moins par une élève. Mais là, c'était Hebi. Et puis... Ils étaient hors du cadre élève-professeur. Ils étaient tout simplement deux personnes, certes anormales et maudites, mais deux personnes banales, comme un homme qui croise une femme dans la rue. Ce que l'on voit tout les jours. Et n'allez pas croire que, parce qu'ils sont différents, ils n'ont pas le droit à cette vie eux aussi.

"_ Mademoiselle Mokona..., annonça Fushi d'une voix grave. Vous savez... Ce n'est pas un cours que nous pratiquons. Vous êtes donc autorisée à me tutoyer durant vos entraînements.
_ Je... D'accord... Vous au... Je veux dire, toi aussi tu peux me tutoyer.
_ Je pense bien, mais cela sera plus difficile pour moi. Bien! Commençons l'entraînement. La dernière fois j'ai pu voir votre... ta puissance. Je ne te... Je vais vous vouvoyer encore un moment, désolé. Je ne vais pas vous demander de redéployer cette force, ce serait bien trop dangereux. En revanche, vous allez ressortir votre Aura. Je pense que vous êtes apte à la contrôler. Si tout se passe bien durant la première heure, vous essayerez de la concentrer dans une seule partie de votre corps. Cela vous convient?
_ C'est vous le professeur.
_ Très bien. Alors allez-y, générez votre Aura."

En vérité, il n'existait aucune difficulté pour Fushi à remplacer un "vous" par un "tu". Mais il s'y résignait uniquement par... Plutôt pour éloigner une certaine proximité entre lui et elle. Il ne voulait pas revivre son passé. Du pur égoïsme, certes, mais il avait bien trop souffert. Seulement il ne pouvait renier son attirance pour la démone, et ses... Sentiments. C'était bien cela le mot. Mais une petite voix inquiète interrompit ses songes.

"_ Je suis prête professeur."

Il leva la tête pour la regarder, et prêta un peu plus attention à elle. Il n'avait pas remarqué la jolie robe blanche qu'elle portait. Et maintenant, son Aura noire l'enveloppait. Le vampire rougit faiblement. Seulement, imaginez une peau aussi blanche que celle d'un Undead (non-mort) rougir. Cela se remarque aussi bien, et aussi loin, qu'un feu tricolore qui passe au rouge. Aussi, il préféra baisser les yeux. Son coeur ne battait plus, mais il savait que son pouls aurait accélérait. Comme lorsqu'il L'avait rencontré. ELLE. Elle qu'il ne peut pas oublier. Peut-ètre est-ce aussi une raison qui le bloque à répondre à son élève. Oh bien sûr il faisait mine de rien entendre, de ne rien ressentir. Mais il connaissait la pensée de Hebi, et les mots qu'elle avait prononcés la dernière fois. Seulement, ses lèvres à lui sont incapables de formuler ce qui trottait dans sa tête.

*Moi aussi Hebi...*

Raclement de gorge, bouche ouverte :

"_ Bien... Je veux que vous combattiez cette armure. Si vous êtes capable de vous contrôlez, on se battra l'un contre l'autre. Sans que cela tourne au désastre s'il vous plait.
_ Mais l'armure est immobile. Ce n'est que pour améliorer mes attaques ça..."

Fushi poussa un magnifique rire plutôt grave. Et le sourire aux lèvres il lui expliqua :

"_ Vous savez, les grimoires enseignent énormément de choses."

Il claqua des doigts, et les deux armures s'enflammèrent. Le titane était devenu flamme. Le casque possédait des yeux de braises. Le professeur s'assit dans les gradins, et annonça à son élève avant de fermer les yeux et de se concentrer :

"_ Vous auriez dû n'en sortir qu'une seule pour commencer, mais tant pis. Commençons!"

J'éprouvai une pointe d'agacement face à la maniaquerie de Fushi. C'était sans doute la seule chose qui m'énervait chez lui, et d'ailleurs je le lui fis bien comprendre. Ce qui m'étonna en revanche, ce fut qu'il s'excusa. Je n'avais encore jamais entendu d'excuses de la bouche de Fushi, et cela me surprit.

Il m'autorisait à le tutoyer ? Pourquoi ? Le comportement de mon professeur de français à ce jour était vraiment très surprenant. Je ne comprenais pas. Etais-je de plus capable de le tutoyer ? Cela m'étonnerait fortement. On pouvait toujours essayer. Mais lui désirait toujours me vouvoyer.
Okay, message reçu.
Mais alors, pourquoi me détaillait-il ainsi de haut en bas ? Et... rêvais-je ou il... rougissait ???
J'en devins à mon tour complètement écarlate. Je commençais à entendre les mots cachés que nous échangions. J'espérais ne pas me faire trop d'idées. Je ne voulais pas me faire de faux espoirs.
L'Aura que je générais fit apparaître un petit sourire légèrement mutin sur mon visage. Un peu provocateur aussi. Les
hommes de fer étaient en face de moi, et j'allais les mater.

Fushi s'assit sur les gradins. Le feu entoura alors les corps des Gardiens de métal. Je m'étonnais. Ainsi il voulait que je combate ces choses sous cette forme ?
Bien. Il allait voir, dans ce cas.

"_ Vous auriez dû n'en sortir qu'une seule pour commencer, mais tant pis. Commençons!"

Hebi poussa un hurlement de bête sauvage et se précipita, griffes en avant, sur la première armure, qui fit preuve de rapidité pour un tel objet. L'armure esquiva, bloqua le bras de la jeune femme et la balança en avant.
Elle poussa un cri de douleur et de colère. Le titane chauffé à blanc lui avait brûlé la peau.

Elle décida alors d'employer une autre méthode.
Elle s'accroupit et croisa ses mains. Un voile d'eau apparut autour d'elle, formant une bulle de protection.
On ne pouvait plus voir son corps, dissimulé sous la masse d'eau.
Mais lorsque l'eau devint moins opaque, le professeur put assister à un spectacle peu commun.
A quatre pattes, la démone semblait un croisement entre un félin et un humain. Elle épousait parfaitement le sol de ses mains et pieds, les deux étant enfoncés dans le sol grâce à des griffes.

Ses dents dépassaient de sa bouche. Canines pointues. Ses yeux blancs brillaient à la lueur du soleil sur le reflet de l'eau. La démone restait jolie malgré son apparence.
Elle maîtrisait les éléments de Gaïa. Elle n'avait pas peur. Pas peur du tout même.
Elle jeta un regard à Fushi, qui l'observait avec le plus grand intérêt. Elle éclata d'un rire à la fois doux et aigre. Le contrôle d'elle-même serait dur. Mais elle pourrait y arriver.

Elle bondit sur une armure et l'écrasa au sol. Elle la désarma et envoya de l'eau à l'intérieur du casque, source de la magie mise en oeuvre. Puis d'un coup de pied monstrueux elle lui arracha la tête et fit fondre le reste du corps.
Et d'une.

Mais c'était sans compter la seconde. Elle la prit en traitre dans son angle mort, et la frappa dans le dos de sa main enflammée.
Hebi poussa un hurlement. Non pas de rage, mais de souffrance. Le choc du coup la fit volet en l'air et la précipita contre le mur.
Le sang éclaboussa les vêtements noirs du professeur. Le sang de la démone.
Car l'armure avait visé juste.
Hebi, face contre terre, ne bougeait plus qu'à peine, agitée de tremblements. Son dos saignait abondamment. Les plaies entre ses omoplates s'étaient ré-ouvertes et le sang coulait à fots. La démone ne cria plus. Ne parla plus. La douleur était mordante, brûlante, la dévorait entièrement. Il fallait qu'elle prenne un peu de magie. Qu'elle referme les blessures... Elles ne cicatriseraient que dans peut-être un mois, un mois et demi. Mais il fallait stopper le saignement.

"Hebi !"

La démone lança une offensive contre l'un des deux titans de feu. Attaque trop classique. Trop simple pour toucher une personne. La meilleure attaque c'est bien la défense. Mais la meilleure défense c'est l'attaque. Oui mais la meilleure attaque c'est la défense... Au final que faire? Lancer l'offensive ou rester sur la défensive? Elle avait choisi le premier assaut. Qu'à celà ne tienne. Fushi écarta l'armure d'une rapiditié mentale déconcertante. D'un faible geste de sa main, il ordonna à l'armure d'attraper le bras qui l'avait agressé, et de propulser son propriétaire en avant.

Evidemment elle fût vite remise sur pied. Enfin... Façon de parler, car elle s'accroupit, enfonçant griffes et jambes dans le sol, se protégeant avec un voile d'eau. Fushi ouvra les yeux.

*Fm! Si tu pense que ça va m'arrêter, tu te trompes.*

Alors qu'il se prépara à reprendre le contrôle des armures, il vit Hebi se métamorphoser complètement. A quatre pattes, la démone semblait un croisement entre un félin et un humain. Elle épousait parfaitement le sol de ses mains et pieds, les deux étant enfoncés dans le sol grâce à des griffes. Ses dents dépassaient de sa bouche. Canines pointues. Ses yeux blancs brillaient à la lueur du soleil sur le reflet de l'eau.

*Quel est ce nouveau maléfice?!*

Rapidement, l'esprit du vampire retourna dans les armures. Mais trop tard. Le rire de la démone venait de s'arrêter, et le lien mental qui unissait la première armure à Fushi venait de se rompre. La tête du professeur eut un recul. Comme un électrochoc. D'agacement, Fushi ne voulait pas perdre ce combat, et se concentra d'autant plus sur la deuxième armure. Alors que la démone se releva pour chercher son adversaire, l'armure l'attaqua derrière elle. Fushi ne voulait pas une telle attaque. Mais la démone s'était retournée contre son gré. Un hurlement précéda une éclaboussure de sang. Ce sang... Celui de... Hebi. Fushi rompit le lien. Il regarda plus attentivement ses vêtements, qui en étaient recouverts. Il passa un doigt sur ce liquide vermeil, et l'apporta jusqu'à sa langue.

*Délicieux. Je n'avais jamais goûté un meilleur sang.*

Mais une réalité vint confronter son paradis. Hebi ne bougeait plus. Ne hurlait plus. On ne voyait que son dos, laissant deux geysers de sang la vidant de son énergie.

*Oh non! Ce serait ses ailes?*

Fushi ne savait quoi faire. Si ce n'est l'appeler.

"_ Hebi!"

Aucune réaction. Là, on a le droit de s'inquiéter! Il accourut auprès d'elle. Son souffle se raccourcissait. Elle... S'éteignait?! C'est impossible!

*Nous sommes des Undeads! Nous avons été condamnés par le temps! La mort ne veut pas de nous!*

"_ Hebi! Tu ne peux pas mourir!!"

Toujours aucune réponse. Il l'allongea sur le ventre, et abaissa la robe qui enveloppait la démone pour observer les deux ouvertures. Il fallait agir. Il se pencha et murmura à son élève :

"_ Ne t'inquiète pas! Je vais te sortir de là! Je ne te laisserai pas partir comme ça! Encore moins par ma faute!"

Quelque chose lui brouilla la vue. Comme de l'eau. Il y a bien des années qu'il n'avait eut une telle vision. Depuis... SA disparition. Depuis ce jour, jamais les larmes ne lui avaient rendu visite. Et aujourd'hui, elles faisaient leur retour. Il se sentait entièrement responsable de cette attaque. Et... Il avait peur. Il ne voulait pas la voir mourir! Perdre une seconde fois une personne qu'il aime... Ce serait bien trop. C'était pour cette raison qu'il se refusait d'aimer! Il pensait ne plus avoir à revivre une telle situation, et pourtant... Tout se déroulait sous son nez. Pourquoi l'aimait-il? Satan avait décidé de jouer avec lui?

Il plaqua ses mains contre le dos de Hebi. En se concentrant, il insuffla son pouvoir de régénération en elle. Il n'avait jamais fait cela avant. Il espérait ardemment que cela fonctionnerait. Quelques minutes ainsi, Fushi se sentit partir. Il ne pouvait continuer. S'il perdait connaissance, qui veillerait sur Hebi? Et puis... Il ne pouvait refaire flamber le gymnase. Il retira ses mains. Et comme pour un dernier espoir, il déposa un baiser entre ses deux omoplates ouvertes. Au moins le sang ne s'échappa plus.

*Allez Hebi! Courage*

Après avoir bredouillé quelques mots dans ses bras, Hebi se détacha lentement. Pourquoi est-ce que Fushi pleurait? Cette question devait trainer dans la tête de la démone... Il la regarda droit dans les yeux.

"_ Hebi... Je... Te dois quelques explications je crois."

Elle le fixa bizarrement, surprise par ses mots sans doute. Il l'aimait, c'était devenu une certitude. Mais un amour interdit. Déjà par leurs statuts, et un amour qu'il s'interdisait.

"_ Fushi... Que veux-tu me dire?"

Il était troublé, tout comme elle. On pourrait limite se croire dans une scène à l'eau de rose. La belle, dans une robe blanche, ensanglantée, et le beau le regardant, droit dans les yeux, près à lui déclarer sa flamme. Oui, seulement ce type de scénario, bien connu des livres et films, n'existait entre un professeur et son élève, et encore moins entre un démon et un vampire. Oh certes, une femme fût un jour assez folle pour tenter une romance entre un vampire et un humain. Cela aurait presque pût être beau, si ce n'était pas aussi niais et bourré de clichés... Mais ça reste une belle tentative. Ce monde était privé de romance. On les voit tous comme des monstres sanguinaires, vivant par contrainte. Seulement, certains pouvaient être civilisés... Le professeur en avait eu la preuve en direct dans ce pensionnat.

Il concentra ses pensées sur ce qu'il devait lui dire et rien d'autre.

"_ Depuis le départ, je suis froid avec toi. Pour plusieurs raisons. Le pendentif que tu portes..."

Hebi commença à avoir un léger recul de surprise. Elle ne devait pas comprendre ses paroles. Il avait manqué de la tuer, avait fondu en larmes, et voilà qu'il se mettait à lui parler de son pendentif.

"_ Tu m'as dis que ton père te l'avais offert... Lorsque tu m'as appris cette nouvelle, je ne t'avais plus en haine, mais ton père... Il s'agit du symbole d'une organisation. Ou un clan, ou une fratrie. Je n'en sais rien. Je sais simplement que tous ses monstres portent ce pendentif. Ce sont eux qui m'ont transformé. Eux qui ont fait ce que je suis... Eux qui m'ont condamné du temps. Jusqu'à présent, je les pensais tous vampire, mais lors de notre conversation au cours du déjeuner, tu m'as révélé que des démons s'y trouvent aussi au sein de leur groupe.
_ Quoi?! Vous croyez que...
_ Je n'avance rien sur ta famille, l'interrompit-il. J'ignore même quel est le but de ce groupe. Ils se sont enfuis au moment où ils... Se nourrissaient. Des humains devaient arriver. Mes souvenirs sont encore clairs..."

*Flash-back -142 ans*

Je couru là où les rues me le permettent. Londres était sombre à cette heure-ci. Quelle idée aussi de me promener à une heures du matin. J'allais y laisser ma peau. Mon seul regret sera de ne jamais avoir appris à me défendre... Cela m'aurait été bien utile tout de suite.

Je surveillai mes arrières. Les quatre hommes courraient derrière moi. Un saphir brilla sur le coup de chacun. Un saphir taillé en forme d'oeil de serpent. Alors que je me surpris d'être plus rapide qu'eux, un homme fit un bond qui le propulsa sur les toits. Comment était-ce possible?! Un deuxième disparut instantanément. Du moins, c'est ce que je croyais... Il me fit face, et ma course folle m'empêcha de m'arrêter à temps. Je le percutai de plein fouet, et tombai au sol. L'homme planqué sur le toit redescendis d'un même bond. Les deux derniers étaient à ma hauteur en un rien de temps. Que me voulait-il bon dieu?!

Un sourire, emplit de canines. Puis ce sourire atteignit ma chair. La douleur me submergea. Une douleur horrible qui me contracta l'intégralité de mes muscles. On aurait dit un poison qui se propageait à une allure surhumaine. J'allais donc mourir? Par des... Cannibales?

Je me mis à hurler. Non pas de peur, mais de douleur. Puis le cri de la peur le rejoignit. Tout les quatre s'amusaient à me mordre et à m'arracher de la chair. Quand un de ces monstres se décida à se démarquer des autres. Il n'enleva plus ses crocs. Il me faisait.... Une prise de sang, mais par centilitre. La douleur était insupportable. Quelque chose, ou plutôt quelqu'un retint leur attention. Ils tournèrent la tête vers le bout de la ruelle, patientèrent quelques secondes, et s'enfuirent. Ma tête me faisait mal, mon corps me brulait, mes os se déchiraient. Deux lumières m'éblouirent, et ce fut le noir complet.

*Fin Flash-back*

"_ J'étais tombé dans le coma, mais je n'avais pas dû dormir bien longtemps. On m'avait laissé pour mort dans un champ. Je repris ma vie, et me mit à la littérature "enfantine". Et je découvris les légendes. Plus je progressais dans le temps, plus je... En fait non, il n'y a pas de plus je, vu que je ne changeais pas. Grâce aux légendes, je compris ce que j'étais devenu. Un vampire. Par la suite, je poursuivis ma vie dans l'ombre de tous. Je suis devenu professeur, mais je devais changer de pays souvent. Sept ans après, j'appris que ma soeur jumelle avait subi elle aussi un sort identique. Sauf qu'elle était devenu un loup-garou. Pourquoi suis-je un vampire et elle une autre race de monstre?"

Hebi souffla, le regard mauvais.

"_ Je... Désolé, mais c'est comme ça que je nous vois tous... Des monstres, civilisés peut-être, mais des monstres. Enfin bref. Par la suite, j'ai rencontré une femme. Qui a comblé mon existence vide... Il est arrivé beaucoup d'évènements, mais je suis redevenu seul. Et maintenant... C'est toi que... Je ne... Peux pas te le dire... Tu l'as deviné. Mais je ne peux le dire.
_ Pourquoi?
_ Ce serait... Un engagement, et ça non. Je ne peux pas recommencer..."

Fushi baissa les yeux, encore humides.

Non. Non non non!!! Ce n'est aucunement un amour passé qui lui bloquait l'esprit!

"_ Tu... Te trompe Hebi. Je... Ne t'ai pas encore tout dis."

La démone jeta un regard de colère derrière ses larmes, mais le vampire devait terminer son histoire.

*Flash-Back -113 ans*
Ils étaient bien trop forts pour moi. Mais enfin que me voulaient-ils?! D'abord ils prennent ma mort, puis ma soeur jumelle. Et maintenant elle!
Chelsea. Ma femme. Pourquoi s'en prennent-ils à moi et mes proches?
Je continuai ma course poursuite quand deux lycans se postèrent devant moi. Encore de vieux chiens galleux. Encore deux êtres à éliminer. Finalement, la mort peut quand même nous être offerte. Mais pas d'une façon naturelle. Mes deux assaillants se jetèrent sur moi. Trop facile. Je me décalai sur ma gauche, en attrapai un au vol, et ma main apporta son visage contre le bitume. Craquements de cervicales. Ricanements de la faucheuse. Nouvelle âme en Enfer. Le deuxième se posta sur mon dos. Lâche. Une morsure dans ma nuque me brûla la peau. Ma main saisit sa gueule. Un écrasement contre le sol dût lui brûler les gencives.
Les deux cadavres de gros chiens gisant au sol, ma course pouvait reprendre. Les yeux pleins de larmes, il m'était difficile de courir droit. Mais je n'avais pas le droit à l'erreur. Elle était encore humaine. Une simple petite douleur pouvait lui être fatale. C'était une femme si fragile. Et voilà qu'après douze années de vie commune, des salopards allaient tout détruire. Encore une fois. Comme ils ont détruit ma soeur. Encore une fois. Comme ils ont détruit ma vie.

J'arrivai devant un bâtiment obscur. Et la nuit n'arrangeait rien à cette masse sombre géante. Ils avaient posté un garde devant l'entrée. Vampire d'après l'odeur. Il m'était aisé de l'éliminer. Mais je n'étais plus que las de tout ces cadavres. Tout ces morts. Cela ne m'avançait à rien de tuer. Je décidai d'employer une autre méthode. Je m'engageai dans une ruelle sombre, et déchirai ma chemise noire. Dans un hurlement retenu, deux ailes, des plus démoniaques, sortirent de mon dos. Je ne m'en étais que rarement servi. Le désavantage de ces trucs, c'est qu'elles vieillisent avec le temps. Et je me doutais fortement qu'un jour où l'autre, mon corps, comme ces ailes ne seront qu'un tas de poussière qui devront s'abreuver de sang pour rester debout.

Deux coups secs, propulsion ascendante. Je pénétrai dans la cour qui se trouvait derrière le bâtiment. Une pièce était éclairée. Là où tout se jouerait. J'entrai en furie dans cette fameuse pièce. Ma femme était pendue par les mains. Baillonnée. Et pourtant j'entendais ses cris de détresse. Je me précipitai vers elle.

"_ N'ai pas peur mon ange! Chelsea, regarde-moi. C'est moi. C'est moi!! Je vais te sortir de là. Fais-moi confiance mon amour! Et promis, je t'expliquerai tout!"

J'entâmai de détruire les chaînes, mais un violent coup dans ma colonne vertébrale me propulsa contre le mur, et me fit rentrer mes ailes endôlories. Je me retournai, et redécouvrai une personne. Quel était son nom déjà... Il me l'avait donné lors de cette fameuse soirée.

"_ Liam? Le Liam Wisdom?! Alors comme ça tu as survécu?
_ Fm. Il y avait bien longtemps que l'on ne m'avait pas appelé ainsi. Je porte un autre nom maintenant.
_ Et pourquoi cela? Voulais-tu tout reprendre à zéro?
_ Ce...
_ Ha ha ha!! Tu es devenu un vampire n'est-ce pas?
_ ...
_ Tu ne te souviens pas de moi? Je suis plutôt blessé. Lucian. Lucian Sartana.
_ C'était toi qui m'as laissé pour mort ce soir-là!
_ Je t'avais proposé de devenir un hybride comme moi. Te donner plus de chance de survivre. Et malgré tout les risques que je prenais en te faisant cette proposition. Tu as refusé.
_ A ce moment-là, je ne comprenais pas ce que tu me racontais... Que veux-tu? Pourquoi l'avoir mis dans tout cela?!
_ A vrai dire, je savais que tu survivrais. Et nous avions besoin de toi au sein de l'organisation.
_ Quoi, vous tentez de me tuer, vous échouez, je deviens un vampire et maintenant je dois m'allier à vous comme si de rien n'était?!
_ C'est à peu près ça l'idée. Mais en cas de refus, nous ne comptons pas refaire la même erreur qu'avec ta soeur. Nous avions été trop lent à ce moment-là. La mort n'a pu lui être fournie. Bien. Que décide-tu?"

Alors que je comptais me jeter sur lui, un démon et un vampire entrèrent dans la salle à leur tour. Ma colère atteignit son paroxysme. Dans un hurlement de rage, mon corps prit feu, et je me jettai sur Lucian. Il eut un rictus, et sauta contre le plafond avant de se laisser tomber sur moi, m'écrasant de tout son poids.

"_ Je prends cela pour un non. Vous deux, tuez la femme. Mais allez-y bien lentement. Retirez-lui son baillon. Je veux l'entendre souffrir, pleurer, hurler. Je veux entendre le cri de la mort."

Dans un élan de courage, je fis volteface, et propulsa ma main enflammée au visage de Lucian qui recula, surpris.

"_ Enfin tu te décide à protéger ta bien-aimée?
_ LA FERME!!!!!"

*Fin Flash-back*

"_ Je... Ne peux raconter la suite. Pas encore... Je peux te la raconter brièvement. J'ai tuer les deux assassins alors que Lucian se relevait. J'avais... Une barre que je chauffais avec mes flammes. Je ne savais comment tuer un hybride. Il était mi-vampire, mi-loup-garou. Je lui ai donc enfoncer cette barre dans son tympan droit. Sa vue a été complètement détruite. J'ai pu profiter de son déboussolement pour m'enfuir avec Chelsea. Mais... Une fois à l'abri, elle était inerte, et froide dans mes bras..."

Hebi semblait n'avoir que faire de tout cela. Le professeur savait que ça lui était douloureux. Mais tout ça n'était qu'une simple explication. Il n'assimilait pas sa démone à son ancienne femme. Il ne se refusait pas d'aimer car il songeait encore à Chelsea.

"_ Hebi... Je t'aime. Mais je me refuse à m'engager... Car... Je vivrais dans une crainte continue. S'il t'arrivait quoique ce soit... Je serais sûrement incapable de te protéger comme je n'ai pu protéger Chelsea. Et... Je ne veux pas que mal te sois fait. Je t'aime Hebi. Je veux que tu sois ma démone... Mais j'aurais constamment peur de te perdre. De te voir mourir. Et c'est ça que je me refuse..."

Fushi s'effondra. Ses jambes ne soutenaient plus son corps, lourd de chagrin, de remords, de culpabilité, et d'amour.

Le baiser venait de tomber. Chose que craignait plus que tout Fushi. Alors ça y est? Ils étaient unis? Non... Tout ceci était encore trop pressé pour le professeur. Mais s'il refusait. Que dirait la démone?

"_ Là... N'est pas la question d'être forte ou non. Et je n'ai nulle besoin de ta protection, si ce n'est de ta protection mentale. Mais comme tous, tu disparaitra un jour. Et je ne veux plus de ce jour. Jamais! Je préfère encore mourir avant que cela n'advienne."

Le professeur était véritablement troublé... Quelle décision prendre. La jeune démone allait très vite s'impatienter.

Une douleur incroyable fit échos dans la poitrine du vampire. Impossible...

*Ce truc est tout ce qu'il y a de plus mort... Comment peut-il encore essayer de bouger?*

Ou bien était-ce justement qu'il fallait qu'il bouge en cet instant. Mais étant inerte, la douleur devenait insupportable. Mais il ne fallait pas agir précipitamment sur un coup de tête. En l'embrassant, elle lui demandait beaucoup. Mais... Oh comme il avait adoré ce contact. Aussi léger soit-il. Il la regarda droit dans les yeux.

"_ Reprends ta forme humaine s'il te plait. Aura ou Hebi, peu m'importe, mais reprends ton visage habituel s'il te plait."

Il ignorait si Hebi était vexé par cette demande, mais elle la réalisa sans hésiter. Elle redevint la jolie jeune fille, vêtue d'une robe blanche déchirée et ensanglantée, qu'il connaissait bien. Il se releva lentement, et aperçut sa blessure qui s'était réouverte.

"_ Il faut que l'on te soigne rapidement...
_ Fushi... Je ne crois pas que ce soit le principal problème."

Elle avait raison... Mais Fushi voulait gagner du temps! Beaucoup de temps. Une vieille pensée lui remonta à l'esprit.

*Flash-back -163 ans*
"_ Alors Shishi!!! Ca te fait quoi d'avoir 18 ans?!
_ Idiote. Tu n'as qu'à te poser la question si tu veux connaître la réponse. Tu as aussi 18 ans aujourd'hui.
_ Tu es méchant Shishi, répondit Hebi en tirant la langue!
_ Toujours aussi petite fille en tout cas. Et cesse de m'appeler Shishi, tu as passé l'âge!! Je te..."

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase Sa soeur s'était jeté sur lui, et ils commençèrent à se bagarrer. Gentiement bien sûr. Puis tout deux eurent un fou rire. Ils étaient heureux tout simplement.

"_ Tu sais. Tu as beau être méchant, je t'aime moi Shishi!
_ Moi aussi soeurette!"

Ils se prirent l'un l'autre dans leurs bras. Combien de câlins avait Fushi? Il n'en savait rien, en revanche il savait qu'il avait horreur de ce contact. Sauf avec Hebi. C'est pourquoi sa soeur jumelle était la seule à en avoir de lui.

"_ En tout cas... J'aurais préféré qu'il y ait papa et maman...
_ Oui... Je te comprends. Bah. On les voit demain. Et puis ils ont appelé pour prendre de nos nouvelles. Et tu sais qu'on voit nos amis ce soir. C'est pas comme si on allait fêter nos 18 ans tout les deux sur le canapé.
_ Faut toujours que tu cherche le bon côté de la vie n'est-ce pas?
_ Ben... Je me dis qu'il faut toujours positiver. Il y a constamment un petit bonheur derrière le plus grand des malheurs.
_ Mouais, tu as peut-être raison...
_ Si tu n'arrive pas à accéder ton étoile, cherche un autre chemin. Tu en trouvera toujours un si tu te donne la peine de chercher un minimum."

*Fin du Flash-back.*

*Oh... Hebi, comme j'aimerais te voir... Te retrouver... Tu me manque....*

Il faillit repartir dans son chagrin, mais il ne fallait pas. Là non plus ce n'était pas le moment. Son étoile... Le professeur avait une idée. Il attrapa le visage d'Hebi entre ses mains, et plongea son regard dans le sien.

"_ Hebi. Je t'aime sincèrement. Mais pour le moment... Nous allons arrêter les entraînement pendant un temps. Ainsi que nos visites en dehors des cours. Pour le moment nous devons éviter toute relation autre que professionnel. Je ne cherche pas à te frustrer ni à te perturber. Mais moi j'ai besoin de prendre mon temps. Accepte ceci en attendant ma décision Hebi."

Il avança son visage est offrit un long baiser à la démone. Leurs deux corps s'embrasèrent, semblables à un énorme rubis visible à des kilomètres à la ronde en plein jour. Leurs lèvres restèrent unies durant d'incalculables secondes. Mais le professeur s'en moquait. Il ne voulait pas chronométrer son baiser, mais échanger ses sentiments avec la démone. Non. Sa petite démone.

Il retira ses lèvres et se dirigea d'un pas lent près de la porte. Il l'ouvrit, et prononça d'une voix faible avant de sortir :
"_ Je t'aime..."