Lorsqu'Hebi entra dans la salle à manger vers midi et quart, il n'y avait pas grand monde à l'intérieur. Que des élèves ou professeurs qu'elle ne connaissait pas, et sa timidité l'empêcha de faire le moindre geste vers qui que ce soit.
Elle attrapa un plateau et prit un peu de nourriture.
Des... brocolis ? Accompagnés de deux tranches de viande saignante.
Ah. Au moins elle mangerait la viande.
Elle alla s'asseoir sur une table un peu en retrait, et grimaça devant la mine de son assiette.

*Les brocolis... beark.*
Tout en entamant son entrée, elle réfléchit un moment sur le déroulement futur de sa journée.
Tout d'abord, elle filerait à la bibliothèque faire un peu d'entraînement pour son orthographe, si elle arrivait à trouver un manuel adéquat de grammaire, vocabulaire et conjugaison.
Puis elle irait sans doute en salle de musique, si elle n'était pas occupée, pour aller chanter un moment.
Elle en avait besoin après tout. Le chant la détendait, et elle avait besoin de se détendre.
Et puis pourquoi pas pianoter un petit peu aussi ?

*Ensuite, j'irai discuter dans le parc avec Mana.*
Entre deux heures de cours.
En espérant qu'elle n'arriverait pas en retard au prochain.
Elle se prit la tête entre les mains.
Hebi était un peu perdue dans ce nouveau lycée. Elle avait vingt ans (en apparence) mais elle était même pas fichue d'écrire un mot correctement. Elle lisait péniblement, et pour ce qui était des maths, elle ne savait que faire des additions...
Il n'y avait que Mana qui la réconfortait lorsqu'elle se sentait déboussolée.

En plus de cela, elle commençait à avoir faim.
Depuis que l'Aura l'avait de nouveau saisie, elle avait faim.
De tuerie et de mort.
Elle avait besoin de tuer quelqu'un ou quelque chose, et se repaître de son corps encore chaud.
Coupant sa viande silencieusement, elle grimaça à cette idée.
*Depuis combien de temps je cherche à détruire cette envie de tuer ? Depuis quand je souhaite être... Normale ?*
C'était l'Aura qui la rendait ainsi.
Seule l"Aura, maîtresse de sa colère, rendait sa faim insupportable.
Elle avala une bouchée de nourriture avec une grimace.
Ignoble.
Pour un démon.

Elle se força tout de même à manger, essayant de dissiper ses envies de meurtre.
Elle était d'ailleurs tellement plongée dans ses pensées qu'elle n'entendit pas le nouveau venu arriver.
Mais à l'odeur, elle pouvait le reconnaître.
Elle sursauta lorsque son professeur de français posa lui aussi son plateau à sa table, en prononçant d'une voix grave :
"Je suppose que la place est libre. Si tu me le permets, je vais m'asseoir ici, Hebi Mokona."

Enfin l'heure du déjeuner... Fushi avait passé une sale matinée. Le cours s'était plutôt bien déroulé dans l'ensemble... Mais l'arrivée d'une retardataire avait tout chamboulé. D'autant plus qu'elle portait le même prénom que sa soeur jumelle. Il avait donc passé le reste de son temps libre à songer à sa soeur. Ce qu'elle devenait... Il ne savait pas où la joindre, ni où la trouver. Il aurait pourtant aimé avoir des nouvelles.

Il attrapa un plateau repas, dans lequel il prit uniquement la viande saignante, et un verre de café. Il chercha une place dans la salle à manger. Les tables libres ne manquaient pas, malgrè le petit monde qui mangeait dans la bonne humeur, mais cela ne l'empêcha pas de s'installer à "cette" table. Une jeune fille s'y trouvait. Hebi Mokona, cette jeune écervelée qui se permettait d'arriver en retard à son cours, en hurlant à la mort des excuses ridicules, en bouleversant le cours par tout les moyens disponibles, et de ne pas respecter un ordre simple, venir voir le professeur à la fin du cours. Quoiqu'il en soit, Fushi tenta tout de même de garder son calme, et patience, puis tout posant son plateau, annonça :

"_ Je suppose que la place est libre. Si tu me le permets, je vais m'asseoir ici, Hebi Mokona."

L'intéressée leva machinalement la tête, un air exaspéré.

"_ Bien, nous allons jouer cartes sur table. Je suis extrêmement mécontent de ton comportement tout à l'heure. Si tu ne veux pas que je sévisse, et que l'année se passe dans de bonnes conditions, je te conseille de calmer le jeu. Autre chose, cette aura de flamme que tu dégage, maîtrisant le feu, je suppose que tu dois être un démon n'est-ce pas? Seuls les démons peuvent acquérir ce pouvoir."

La jeune fille attaqua son morceau de viande en guise de réponse, tout en cherchant son calme.

"_ Si tu le souhaite, je peux t'aider à la contrôler. En revanche. Je te demanderais une petite chose en échange."

Hebi leva les yeux vers son professeur, un minimum attirée par la demande.

Lorsqu'Hebi avait levé les yeux, c'était Fushi Metsugo qui s'était assis en face d'elle.
*Qu'est-ce qu'il me veut encore...*
Elle savait parfaitement ce qu'il voulait, et cela l'agaça. Elle eut très envie de l'envoyer promener, mais n'en fit rien, dans l'attente de ce qu'il allait lui dire.
Et comme elle s'y attendait, elle eut droit à un sermon. "Je suis extrêmement mécontent..."
*Et patati et patata.*
Mais voyant qu'elle ne disait aucun mot, il changea de sujet;

Pourquoi parlait-il ainsi de son pouvoir ? Que savait-il d'elle exactement ?
Encore une fois elle voulut parler mais tint sa langue, l'ignora et coupa sa viande.
Il y eut une légère hésitation sur le visage de son professeur. Les yeux noirs d'Hebi le regardèrent un instant, puis se reposèrent sur son (ignoble) assiette.
Une délicieuse odeur envahit ses narines. La même que dans la salle de cours.
"Si tu le souhaite, je peux t'aider à la contrôler. En revanche. Je te demanderais une petite chose en échange."

Là, Hebi consentit à lever la tête vers lui. Elle l'observa avec curiosité, tandis que calmement il attendait sa réponse, buvant son café avec lenteur.
A travers son pendentif, La voix de Mana retentit dans sa tête.
*Tu devrais l'écouter, tu sais. Il est peut-être énervant, mais j'ai le sentiment qu'il a quelque chose à t'apporter.
Tu crois ?
J'en suis sûre.*
Hebi respira un bon coup et posa ses couverts sur la table.
"Ecoutez, vous ne savez rien de moi. De la même manière que vous n'avez accepté mon comportement, pour être franche je n'ai pas plus accepté le vôtre. Il est vrai que j'aurais pu être plus discrète, mais vous croyez que c'est facile d'arriver dans un endroit aussi curieux où on ne connait personne, alors qu'on ne sait même pas écrire un mot avec sa bonne orthographe ? Ce n'est pas parce que vous êtes professeur que vous pouvez vous permettre d'être aussi désagréable. C'est pour cette raison que j'ai quitté le cours sans venir vous voir."
Il la regarda avec surprise. Un sourire apparut au coin de son visage mais il ne dit rien. Pensait-il qu'elle avait du cran ? Ou bien se moquait-il d'elle ?
Il but une gorgée de café, attendant qu'Hebi poursuive.
"Vous dites pouvoir m'aider mais comment et pourquoi le ferez-vous ? Vous ne me connaissez pas, et vous ne savez pas ce qu'il se passe en moi. Alors comment pourriez-vous m'aider. Er que voulez-vous en échange ?"

Fushi Metsugo croia les doigts et la sonda du regard.
"Des informations sur ce pendentif que tu portes autour du cou. Où l'as-tu eu ?"
Hebi sursauta, et porta une main à son collier en le fixant.
"Pourquoi vous intéresse-t-il ?
- C'est moi qui pose les questions."
Dans la tête de la jeune démone, un grondement se fit entendre.
Mana était en colère. Ou avait-elle peur ?
En tout cas, son émotion était tellement violente qu'elle s'en ressentit sur la démone, qui poussa sans le vouloir le grondement du félin en observant son professeur d'un air menaçant.
Ce n'était pas elle qui grognait sur son interlocuteur, mais sa panthère. Cette idée l'inquiéta.
*Mana, arrête ça !!
Souffrance...*
La voix plaintive de Mana s'éteignit. A présent Hebi n'avait plus de doute : Mana était terrorisée.
Terrorisée par les émotions de l'homme qu'à travers la démone elle pouvait ressentir.
Puis dans sa tête, le silence. Mana s'était tue. Le mal de tête d'Hebi se calma et ses yeux se reposèrent sur Fushi, qui avait eu un petit mouvement de recul.

"J'ai... j'ai eu ce pendetif par mon père, c'était un cadeau. Il me permet de... de communiquer avec quelqu'un. C'est un bijou d'une grande valeur sentimentale pour moi. Il m'a dit que je devais toujours le garder au cas où il m'arrive malheur. A vrai dire je ne sais pas pourquoi. Et pourquoi vous intéresse-t-il tellement ?"
Regard.
Hebi attendit la réponse de son interlocuteur tandis qu'elle reprenait ses esprits.
La réponse vint et claqua comme un fouet.
"Le symbole qu'il représente ne m'est pas inconnu."

Le professeur avala son café, devenu froid à force de parler. Il regarda la démone et lança :

"_ Le symbole qu'il représente ne m'est pas inconnu. Tu dis qu'il s'agit d'un cadeau provenant de ton père, et que tu ne dois jamais t'en séparer... Mais pourquoi ne dois-tu jamais le quitter?
_ Je n'ai pas dis cela. Je vous ai dis que je ne devais pas m'en séparer.
_ Cela revient au même. Mais est-ce un objet que vous vous transmettez dans votre famille?
_ Il ne me semble pas... Je crois qu'il appartenait mon grand-père... Mais mon père ne m'a jamais parlé d'un héritage familial...
_ Ton père est-il encore vivant?
_ Bien sûr que oui!!!
_ Il s'agit d'un démon comme toi?
_ C'est un interrogatoire ou quoi?!"

La démone commençait de nouveau à s'énerver. Cela pouvait vite tourner au danger, mais Fushi s'était suffisamment renseigner pour savoir comment la calmer.

"_ Il me faut savoir certaines choses. Tu as dis qu'il te permettait de communiquer avec quelqu'un. Qui est-ce? Et puis-je rencontrer cette personne?
_ ... Viens dans la forêt ce soir... Je te montrerai cette personne."

Pourquoi cet homme bizarre voulait-il en savoir autant sur elle ?
Elle s'était énervée un peu contre lui, mais en vérité elle n'était pas en colère. Pour une fois que quelqu'un ici ne faisait pas que la rabrouer, c'était plutôt agréable d'avoir un peu de conversation.
Elle lui offrit même le droit de voir Mana. Chose qu'elle n'aurait pas donné à tout le monde, puisque Mana était son amie la plus chère, et également son secret. Personne ici ne savait que son léopard vivait dans la forêt.

Tout en mangeant, elle regarda l'homme en face de nuit de ses yeux noirs et brillants.
On pouvait bien dire que Fushi avait un air incroyablement suffisant et froid, il n'en dégageait pas moins de lui une élégance à tomber par terre. Il était très propre sur lui (trop peut-être ?), et il émanait de lui cette odeur douce et agréable, presque enivrante. L'odeur qu'elle avait sentie en salle de français. Très agréable au goût d'Hebi, car cela lui rappelait l'odeur des pins de la Taïga, et du parfum unique que possédait Kyôkan, ou encore les cheveux de son frère Aeden lorsqu'elle dormait près de lui, faute de place...
Elle secoua la tête. Il était professeur, elle devait se calmer.

Pourtant elle l'avait tutoyé sans y faire attention, et l'homme ne l'avait pas repris. Au moins, il n'y aurait plus de problèmes en cours de français... du moins l'espérait-elle en tout cas.
*Ce n'est pas bien, Hebi. Vraiment pas bien. Tu crois que je vais me présenter au moindre étranger sous prétexte que c'est toi qui le souhaite ? Je ne suis pas un chien, je te l'ai déjà dit. Aie un peu plus de respect pour la personne à qui tu as offert la sagesse, démone.
Mana, je t'en prie... il ne te veut aucun mal !
Comment peux-tu en être aussi sûre ? Tu le connais à peine, et en plus il te regarde comme s'il allait te bouffer. Je ne le trouve vraiment pas net.*
Agacée, Hebi coupa la communication mentale. Arrête Mana, tu en fais trop.

"Merci."
Son professeur de français la regardait à présent, tandis qu'il terminait son café. Il l'avait remercié sur un ton froid, mais un petit peu de gratitude sincère s'entendait tout de même.
Hebi consentit à lui sourire gentiment.
"Mana en revanche n'est pas très docile. Il te faudra être diplomate avec elle. Et surtout ne pas dire de betises !"
Elle but dans son verre d'eau, avant d'ajouter.
"Parle-moi de toi à présent. D'où viens-tu, et pourquoi mon collier t'intéresse-t-il autant ? La réponse de tout à l'heure ne m'a pas convenue. Et... de quelle race es-tu ?"

"Parle-moi de toi à présent. D'où viens-tu, et pourquoi mon collier t'intéresse-t-il autant ? La réponse de tout à l'heure ne m'a pas convenue. Et... de quelle race es-tu ?"

Fushi fût destabilisé. Il ne parlait que très rarement de lui... Ca va qu'elle lui posait des questions, autrement il lui serait difficile de se présenter...

"_ Et bien... Je suis de la race des vampires. Ton collier m'intéresse car... Je ne peux pas encore t'en parler. Mais il existe un lien très fort entre un clan que je recherche et ce pendentif. Il y a une autre personne que je recherche... Ma... Soeur jumelle. Elle porte exactement le même nom que toi. Hebi. Hebi Metsugo. La dernière lettre que j'ai reçu d'elle date d'il y a trois mois. Elle se sentait poursuivi... Et dans cette lettre, elle m'a mentionné ce pendentif.
_ Pardonnez-moi, mais Hebi Metsugo... Ne serait-ce pas la fille dont on parlait il y a deux mois?
_ Oui... Deux mois en arrière, elle fût portée disparue. Et je n'ai plus jamais entendu parler d'elle. Je soupçonne donc ce clan de l'avoir enlevée. Je suis donc à leur recherche pour retrouver ma soeur, et accomplir une vengeance plus personnelle.
_ Plus personnelle? C'est-à-dire?
_ Je te l'ai dis. Je ne souhaite pas encore t'en parler.
_ Me direz-vous un jour votre secret?
_ On verra... Pour l'instant, nous avons rendez-vous ce soir dans la forêt... J'ai hâte de rencontrer Mana...
_ Faites attention... Je ne plaisante pas en disant qu'elle n'est pas docile du tout... Surtout avec les étrangers.
_ Je m'en souviendrais... Remangeons ensemble demain midi. Nous pourrons faire plus ample connaissance. De mon côté, je ferais des recherches plus poussées sur les Akumas."

Fushi souleva son plateau, et prit la sortie de la salle à manger. Son douloureux passé avait refait surface... Que devenait sa soeur? Il craignait le pire le jour où il retrouverait cette bande. Elle serait morte... Ou bien elle les aura rejoint... Le professeur se mordit la lèvre.

*Elle à l'air d'ignorer ce qui se cache derrière ce pendentif... Je pourrais peut-ètre lui en parler... Mais si elle communique mes paroles à son père... Ils sauront me retrouver et me tueront... Fm... Mauvais plan que d'en avoir tuer cinq des leurs...*

Fushi ouvrit les portes, et sortit non sans jeter un dernier regard à la démone qui avait l'air en pleine transe.