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 Eveil artificiel. |Syn, Again.|

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Eris Almira
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MessageSujet: Eveil artificiel. |Syn, Again.|   Eveil artificiel. |Syn, Again.| EmptyDim 19 Sep 2010 - 14:59


Ils sont là, comme ils ont toujours été là. C'est pas parce que tu naît qu'aussitôt ils vont disparaître. Que vas-tu devenir, sinon ? Comment vas-tu survivre face à ce drame ? Prisonnière, douce prisonnière. Enfant, éhontée et sotte. Tu ne sais pas ce qui t'attend, lorsque le premier de tes sourires apparaît sur ton visage. Mais moi je le connais. Je sais ce qu'il se passe. Je sais que ton futur sera ponctué de terreur, cette terreur muette qui étreint ton corps lorsque le soir tu sais que le lendemain, tu vas les rencontrer, seule. Comme tous les jours. Mais seule, aujourd'hui. Tu vas les voir, les Autres. Leurs yeux plantés dans les tiens, tu vas paniquer. Comme tu as toujours paniqué. Ce soir, dans ton lit, tout est totalement hors de contrôle. La boule dans ton ventre te presse et t'attaque, morsure acide, tandis que ta tête se remplit de questions aussi insensées les unes que les autres. Tu le sens, cet étau, te traverser et te blesser, alors que tu n'y es pour rien. Tu veux juste traverser la rue. Attendre, devant là où tu dois te rendre. Mais que peux-tu faire ? Seule, rien du tout. Pas dans un endroit inconnu. La terreur t'assaille, tu crois qu'ils sont tout là, en train de t'épier. Cette emprise, sur toi, est plus forte que le reste. Allongée entre des draps chauds, tu cherches une solution, la solution. Mais nous savons, toi et moi, qu'il n'y en a aucune, sinon tu l'aurais déjà trouvée. Demain tu seras seule. Tu seras seule, et tu ne peux rien y faire. Alors tu te fais une raison, et tu t'endors, cette boule au ventre qui ne veut pas te lâcher. Parce qu'elle est consciente de ta faiblesse. C'est une peur que tu ne peux pas éviter car tu la subis, jour et nuit. Tu te demandes quand sera ta prochaine échéance. Pour l'heure, tu te contractes, le visage parsemé de perles de sueur, tant la terreur est grande. On te l'a dit, putain. De te secouer. Mais rien. Rien que ce silence dans lequel tu te mures. Peut-être qu'après tout, c'est mieux comme ça.

Et voilà. Le matin est toujours pareil. Et les Autres te fixent. C'est ce que tu crois. Cette cigarette dans ta main, angoisse montante. Haletante. Folle. Impénétrable. Respiration. Difficile. Peur. Partout. Cette peur. Illégitime. Vraie. Dans ta terreur. Remonter. Ou pas. Chercher. Mais non. Tu les vois, mais eux semblent te détailler, un peu, toujours. Et ils rient. Ils rient de ton malheur et de ton désappointement, de ta maladresse et de ta peur. Il nous semble que tu ne peux pas aller plus loin. Tu ne peux rien faire. C'est trop fort, trop puissant, trop inaccessible. On te dévore de l'intérieur, mais tu ne peux pas en sortir. Parce que les Autres sont là, et refusent de s'unifier à toi. Seule, comme d'habitude. Tu comprends, ça ? Seule. Comme d'habitude, seule. Enfin dans la mort comme la recherche de la pitié. Tu cherches une rédemption dans le regard des autres, même si tu sais parfaitement qu'ils ne te voient pas, et qu'ils ne te verront jamais. Ils riront, t'observeront, mais jamais cela n'ira plus loin. Parce que tu es trop faible, tu comprends. Bien trop faible. Là où tu vas l'avenir est sans saveur. Tu as besoin de quelqu'un pour affronter les Autres. Seule, pourquoi en es-tu incapable ? On se posera toujours la question. C'est la perte, sans doute, la perte qui te fait poser des questions incessantes. Et pour l'heure, que deviendras-tu ? Rien. Sans ceux que tu aimes tu n'es rien. Ils étaient des Autres, avant. Elle était des Autres, avant. Avant qu'elle ne fende la foule pour te parler, et te gaver de mots aussi étranges que passionnant. Bavarde. Tout ce qui te fallait. En fait, elle était capable de tenir une conversation à elle-seule, avec les questions et les réponses, adorable mais prude et peu calme. Elle ne tenait pas en place. Et d'ailleurs, elle ne tient toujours pas en place. C'était une Autre, mais pour toi c'est vite devenu quelqu'un. Et à présent, c'est celle qui te protège d'Eux, qui t'aident à t'en sortir. Mais lorsqu'elle n'est pas l, que fais-tu ? Tu t'égares dans cette angoisse sans fin, tu ne peux pas en sortir. Enfin, la bataille. Trame. Et puis, seule, observation. Et repérage. Ils sont tous en train de t'observer, n'est-ce pas ? Mais... pourquoi sourient-ils ? Aurais-tu peur ? Non, voyons. Tu ne peux pas avoir peur. Pour l'heure, tu avances, menée seulement par cette terreur qui t'étreint. Et puis l'une d'entre les Autres te salue. Ce sourire n'était qu'amical. Et comme d'habitude, tu as eu peur pour rien. Légitime, ou pas ? On ne se pose pas la question. Nous avons juste eu peur. Mais à présent l'accalmie revient. Face aux Autres, tu as gagné. Tes yeux ont pu te sauver. Toi et ta franchise.


N'aie pas peur.


Enfin dans le monde de la peur. Je suis descendue avec toi, alors qu'à mes yeux, tu n'es encore rien qu'une Autre. Rien de plus, tu comprends ? Tu n'es qu'une Autre parce que ton avenir se situe dans la perte de ces Autres. Tu cherches la solitude, toi aussi, à ta manière. Tu cherches à te démarquer de ceux qui t'ont enchaînée, parce que tu estimes que ton avenir n'est pas là-bas. Pas avec les Autres. Tu aimes être seule parce que ta faiblesse ne te permet pas de faire autre chose que de rester seule. La comédie romantique. Il n'y a qu'Elle qui soi susceptible de faire ressortir tes émotions, tes idées. Il n'y a qu'Elle, et personne d'autre. Parce que l'avenir, vous le voyez ensemble, toutes les deux. Toi, et Elle. A mes yeux, vous n'êtes cependant rien que deux Autres. Pour l'instant. Elle, c'est encore pire. Malgré cet sorte d'attirance, la haine laisse place à toute forme de courtoisie. ça paraît con comme ça, mais je la détèste. Je la hais. Vraiment. Entre haine et amour, il n'y a cependant qu'un pas. Alors comment retrouver, peser le pour ou le contre ? Comment savoir qui vous êtes, et comment vous juger ? Tout en étant des Autres, vous n'en êtes pas. Lorsque nos pas nous conduisent, dans le silence du soir, en compagnie de cette inconnue du jour, Vungh, comme elle m'avait dit, on cherche la nouveauté. On cherche des mots, mais sa bouche ne s'est pas désserée. La mienne non plus. Nauséeuse. Trop nauséeuse. Peu de causes, beaucoup d'effets. Une faute grave dans ma vie. Ne pas savoir ce qui m'arrive. Le chemin caillouteux, essayer de ne pas déraper pour éviter de tomber. Et avancer, avancer encore, sur ce chemin que l'on croit le meilleur, mais l'est-il finalement ? Lorsque la rencontre se fait plus plaisante. Dans la fraîcheur de cette soirée, ma bouche crache quelques élégants petits nuages de vapeur. Encore, et pour combien de temps, on l'ignore. Dans ce genre d'instant, la discrétion est de mise. Tu m'as dit que tu étais occupé, c'est pour ça que nous ne sommes pas sortis, ce soir. De toute manière, si nous devions sortir, nous serions sortis bien plus loin qu'ici. Trop risqué. Beaucoup trop risqué. Tu as plus le sens des responsabilités que moi, c'est un fait indéniable. Moi ? Encore plongée dans cet horrible conte de fées. Encore divinement dévorée par les braises ardentes, et la peur environnante. Je me réfugie en toi, lorsque la terreur ronge mes entrailles. Lorsque je ne peux pas aller plus loin que le bout de mon nez, et que mon avenir est de nouveau condamné à être offert à Aura, et à sa cruauté. Alors, mon visage affichant cette mine, se voulant identique à la tienne. Enfermée, close. Toujours, close.


Dans ton monde, tu ne peux trouver que la mort et la douleur. Rien de plus, rien de moins.


Enfin, dans ces univers dévoré par les impulsions charnelles. La grande porte s'ouvre, encore et encore, dans une sorte de promenade rituelle et folle. Elle s'ouvre et ne se fermera qu'à la fin de la nuit. La prêtresse noire semble chercher quelque chose dans cette nuit folle. Comme si elle ne savait plus vraiment où aller et comment y aller. Ni de quelle manière, et de toute façon je n'arrive toujours pas à trouver la volonté dans ce que je fais. Je ne sais pas où je vais. Je ne sais pas ce que tu désires de moi, et l'intérêt de cette recherche n'en constitue pas un pour moi. Tout ce que je veux, c'est m'éclater, pour tout oublier. Je veux oublier que j'ai mal au coeur et envie de vomir, je veux oublier qu'Izumi ne m'adresse plus la parole depuis des jours, se lève plus tôt que moi et ne suit plus les mêmes cours que moi pour éviter de me croiser. Je ne veux plus voir ses yeux pleins de rancoeur, lorsque nous nous croisons par inadvertance. Je ne peux pas penser à autre chose, j'en suis proprement incapable. Car aller plus loin est pout moi une torture plus que véritable. Me détruit, de jour en jour, me tue, avec cette méprise qui m'est propre. Je veux voir qu'elle m'aime encore, même si j'aime son père. Je veux voir qu'elle a encore une once d'affection envers moi. Mais lorsque je vois les yeux de cette fille se poser sur moi, je ne ressens rien d'autre que la profonde solitude qui m'étreint, encore et encore. Elle semble en savoir plus sur moi que je n'en sais. C'est une démone, quoi de plus normal à cela, donc ? Envahie par cette colère, je la laisse me détailler sous toutes les coutures, sans dire le moindre mot. Que puis-je dire de toute manière ? Je n'ai pas d'autre solution que de trouver ce qui résidera dans ma mémoire comme une blessure douce amère. Je ne veux plus voir tes yeux se poser sur moi, pourtant je n'ose pas prononcer un mot. J'aime pas les discothèques. ça pue la sueur, et l'alcool. ça sent l'humain, une odeur que je supporte de moins en moins. Je n'y ai pas été si souvent, pourtant. Mais cela m'a suffi. J'imagine qu'entrer là-dedans va me faire oublier tout ça. Tu parles. Autant se pendre, dans ce cas-là. Parler, c'est superflu. Pour elle, en tout cas. La preuve, la donzelle ne m'a donné que son nom de famille en guise de présentation. Je ne cherche rien d'autre, cependant. Syndel Vungh. La démone aux ailes abandonnées. Les miennes sont bien rangées, et je ne suis pas prête de les ressortir. Mes plaies à peine cicatrisées. Il faut pas déconner. Se retourner vers cette fille, dans ce lieu peuplé par les Autres. L'observer du coin de l'oeil.


"Et maintenant qu'on est là... on fait quoi ?"


Question élémentaire. Et incroyablement débile. Mais c'est vrai. Finalement, qu'est-ce qu'on fout là ?
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Syndel Vungh
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MessageSujet: Re: Eveil artificiel. |Syn, Again.|   Eveil artificiel. |Syn, Again.| EmptyDim 17 Oct 2010 - 18:37

ORGIE!

Ils sont trop nombreux. Bien trop nombreux. Bousculé, des milliers de fois excusé. Comme si la faute lui était attribuée d'office. Kaël, s'il n'avait pas été Prince, aurait perdu patience depuis un moment. Cette soirée s'annonçait comme l'une des pires de son existence sur le continent. Un bal masqué au château du noble le plus influant de la région. Rien que ça. Et puis, ce n'était pas tellement sa décision, sachant que les bals, fêtes, et réceptions en tout genre ne faisaient pas partie de ses loisirs primaires. Non, ce n'était pas lui. Elle avait trop insisté, et le Bel avait bien entendu vu clair dans son jeu. Elle en mourrait d'envie, et quiconque osait lui refuser quoi qu'elle eut envie ne pu se remettre de ses blessures. Une petite princesse bien exigeante, qu'il avait accepté de prendre sous son aile. Ou plutôt, un beau ténèbreux qu'elle avait choisi parmi toute la liste de prétendants qui s'agrippaient à ses mollets délicats. Pauvre de lui...
Suite à ça, Kaël l'avait accompagné partout. Du cordonnier au tisseur, en passant par les coiffeurs, jusqu'au joallier. Un bal se prépare avec recul et sophistication pour toujours être en avant, voilà son excuse. Elle s'était alors trouvé une parure de pierres précieuses de toutes sortes, émeraude, jade, améthyste, rubis, saphir et autres. La robe de bal, exentrique et jamais vue, avait été faite sur mesure, à la fois pour acceuillir ses formes généreuses mais aussi pour cintrer sa taille de guêpe. Le Prince des Ténèbres n'avait pas eu pour habitude de nouer des corsets, et il dut apprendre à le faire. Qui eût cru que ce genre aussi insignifiant soit si complexe à réaliser. Elle aurait aussi des bottines surélevées, ne serait-ce que pour se trouver à la hauteur de son cavalier. La jolie n'était certes pas très grande, au contraire. Ou était-ce lui qui était gigantesque, à voir. Enfin, là n'est pas la question, et en résultaient les diverses notes qui n'auraient pas été salées mais amères pour n'importe qui d'autre que lui. Une fois sa belle conquise, ils se rendirent dans une auberge pour fêter leur future apparition en public. Son sourire étincellant en ravit plus d'un, tandis que son regard de glace les dissuadait tout aussi soudainement. La paire la plus merveilleusement maléfique de cette contrée. Les deux amants.
Les deux démons.

L'alcool englouti ne les enivra guère. Ils se dirigèrent par la suite en direction du lieu de la réception, une batîsse flambant neuve construite dans les terres, nourrie par une verdure et un jardin à couper le souffle. Il fit rentrer sa chère et tendre par le côté, puis alla se frotter au gardes devant l'entrée. Une fois réduit en cendres - c'est le cas de le dire, il pénétra au sein de l'assemblée. Son torse vaguement recouvert un tissu souple et son pantalon de toile vulgaire leur inspira un regard de dégoût. Encore heureux que la charbonneuse lui ai obligé le port du masque, ou bien il n'aurait pu faire deux pas sans recevoir des parjures de toutes sortes, par tout le monde.. Exepté de la part des femmes, bien sûr. D'ailleurs, en parlant de femmes. Quoi que leur masque fut trompeurs, certains faciès n'étaient point oubliables. Celui-ci, par exemple, toute de jaune vêtue, à la capeline originale, et au maquillage prononcé. C'était la comptesse de Fraguillet, ou une de ses aventures. Pareillement. Une dame en vert et noir, faisant face au maître des lieux. La duchesse de Montecrud, soit la plus indigeste au lit de toutes les nobles. Bourgeoise, fille d'un marchant assez populaire au marché, Christina Voulutant, goûtée au dépucellage donc pas forcément la plus délicieuse. Tiens, la servante de la fille de l'hôte, et la fille de l'hôte. Deux pas terribles, après essayage. En évitant tous les convives, et surtout en prenant soin d'éviter les mauvaises rencontres ce qui fut plus compliqué qu'il n'y paraissait étant donné que presque la quasi totalité des femmes ou jeunes filles ici présentes avaient été au moins une fois dans son lit, Kaël parvint tout de même à piocher dans le buffet quelques pièces à déguster. Puis après, elle fit son entrée en haut de l'escalier principal.
Une robe à la découpe unique. Courte devant, traînant sur les sols à l'arrière. Bouffante, noire, rouge, bustier, cintrée, customisée. Personne, Ô Grands Dieux personne, non, jamais n'avait eu à observer telle merveille. Recouverte d'or et d'argent, un bouquet de narcisses tout juste cueillis par ses soins. Sa masse capillaire contenue en un énorme chignon d'où s'évadaient quelques mèches rénégates, sa frange et ses servantes maintenues à leur place à l'aide d'un bandeau orné d'une rose sanguinolante. Cassée, déchirée, rompues, des voilures tout autour des ses poignets, de ses phalanges. Un ras de cou, une descente de perles larmoyantes maquillées. Des lèvres dotées du plus pulpeux des carmins, une neutralité sur sa peau cadavérique à en faire pleurer les Diables. Haute sur ses jambes galbées à leur apogée, ses seins voluptueux à en mourir, sa cambrure effrayante et sa droiture souverraine. Ecrasante par son calme, épuisante par son stoïcisme, dominante par sa soumission. La discrétion feinte, le charisme, l'élégance, la beauté et la voluptée à l'état pur. La plus perfide des vénéneuses, le plus irritant des pétales. Un corps à faire régurgiter d'extase, une noirceur à perforer les veines les plus profondes. C'était ce qu'il se disait, seul, appuyé contre le bois de la table. Tous avaient les yeux plongés face à cette inconnue sans qualificatifs. Puis un masque. Des plus classiques, sang, recouvert d'un mince filet noir. En portant son verre à ses lèvres, le Prince sourit. Les râles et commentaires fusaient, ces nobles et ces bourgeois sans classe jalousant la grâce de cette femme anonyme et l'impassibilité de cet homme qui puait la contrefaçon. Exquise, elle souleva sa robe et s'abaissa avec correction. Cependant, son rictus trahissait sa pensée, et son regard n'en dévisageait qu'un. Discrètement, il souleva son calice. Eden Ael'dha, démone sortie de nulle part. La plus magnifique, la plus merveilleuse, la meilleure, la femme. Celle qui le ravissait chaque jour par sa présence à ses côtés. Celle qui lui appartenait, et à qui il vouait sa vie.
Les deux démons.

La Belle éclata de rire, bientôt suivie par son homme. Kaël lui tendit un autre verre, pour remplacer celui qu'elle venait de laisser tomber. Pour éviter toutes représailles, avant même que le verre eût percuté le marbre, le Prince avait attrapée la marionette démoniaque par la taille et s'était enfuit sur la terrasse, en faisant attention de bien se munir d'autres récipients à boisson au préalable. Le balcon offrait une vue mémorable sur l'ensemble de la ville. Au loin, on pouvait même distinguer la contrée d'Agnora, terre sauvage, lugubre, et inconnue des hommes. Elle était habitée par diverses créatures, toutes plus étranges les unes que les autres, ce qui en faisait une véritable mine de savoir que les aventuriers se plaisaient à aller chercher pour l'étudier ou la commercialiser ici. Soit dit en passant, Kaël n'avait fait le marché de la cité que deux fois de toute son existance, préfèrant de loin rester dans le bois de Tahaney, bien qu'il lui soit phohibé. La première fois, ce fut par curiosité. Il y avait trouvé quelque habits divers, mais aussi et surtout des armes qu'il s'était amusé à négocier. La seconde, il était en compagnie de sa douce, qui avait insisté violamment pour y aller, prétextant un besoin de sortir grandiose. C'était une journée d'hiver, il avait neigé pendant la nuit. De ce fait, la demoiselle nécéssitait l'achat d'un manteau, et par la même occasion, lui aussi s'en payerait un. Ils s'y rendirent donc de bon matin, afin de ne rien omettre d'important dans la visite. Là, ils trouvèrent une rue qu'ils n'avaient jamais vu auparavant. Les marchants y vendaient des esclaves, ou des animaux de compagnie. Il y avait des gens, à moitié nus ou totalement dévêtus, enfermés dans des cages à même le sol, ou à même les flocons. Des monstres difformes, des horreurs indescriptibles, fouettés au moindre gémissements de protestation ou de douleur causés par la morsure du froid ou la coupure des chaînes monstrueuses autour de leur avant bras gelés. La vision atroce de ces scènes affreusement humaines les marquèrent tous deux. Ainsi, la nuit venue, le désir se fit trop intense et ils se dévêtirent sous la glace douce, lui au dessus d'elle, enmitoufflée dans bon nombre de chaînes solides. À même la poudreuse. À en succomber de jouissance.
Après l'avoir vidé, Eden déposa son verre sur la rembarde de pierre de la terrasse. Son rire se perdit entre les particules poussièreuses que soulevait le zéphyr.

- Et toi, Kaël, que penses-tu de cette soirée?

Le principal intéressé soupira face à Agnora, les coudes posés sur la ballustrade, le calice à sec menaçant de chuter de deux étages.

- Pas grand chose. Je... Disons que ce n'est pas ma tasse de thé, ma chère.
- Je comprends. C'est d'ailleurs pour ça que tu as quitté ton palais, si je ne m'abuse.
- Tout à fait. Tu sais, toutes ces cérémonies sont d'une futilité ahurissante, à long terme. Une fois de temps en temps, c'est raisonnable. Ensuite...
- Mmh. Oui.

Elle qui observait la foule à travers la baie vitrée se tourna vers la nature animale de l'autre pays. Ils étaient deux à contempler la sauvagerie d'un monde encore indompté. Quelques instants de silence, où aucun des deux n'osa se pronocer, avant que la jeune femme ne craque.

- Et puis, tu as rejoint Stella-Luna dans son temple. Pourquoi as-tu fais ça, Kaël?

Touché. Le Bel ferma lentement les yeux, respira un bon coup.

- J'étais perdu, Eden. J'étais seul, livré à moi-même dans un monde que je ne connaissais qu'à peine. J'étais jeté dans la fosse aux lions. J'n'avais point idée d'à quel point ma chance était énorme. Le problème, tu t'en doute, c'est que j'étais effrayé. Oui, Belle. J'étais térrorisé à l'idée d'être seul dans cette atmosphère que je pensais mon ennemie. Alors j'ai cherché quelque chose à laquelle me raccrocher. J'ai ouïe dire que le culte de Stella-Luna, déesse des Ténèbres, n'était qu'à quelques kilomètres du village où je m'étais réfugié, une nuit. Je m'y suis donc rendu le lendemain. Là, j'ai été accueilli à bras ouvert par les prêtres et les adorateurs, qui m'ont couvé comme un roi. Ce n'est que plus tard que j'ai compris que mes parents m'avaient destiné au culte de Stella-Luna, sans possibilité d'échange, et que par conséquent les hommes à la solde de la déesse s'attendaient à ma venue. Je me suis fait piégé lamentablement, Eden, je me suis couvert de honte. C'est pour ça que je fuis. Stella-Luna n'existe que dans les rêves de ces fous, autant que Tahaney, Ahorou, Ekmaân et tous les autres dieux. Ce ne sont que des entités fictives que les humains ont créés pour que nous, race supérieures, aient à trembler face à leur corps dépourvus du moindre atout. Alors je suis parti, Eden. J'ai deserté mon trône, j'ai plaqué mon culte.

Une fraction de seconde, où il tourna la tête en sa direction. Son regard de braise embrassait ses joues ardentes. Son sourire finit de la cuire.

- Et je t'ai trouvé, Eden. A partir de ce jour, je n'ai plus eût besoin de rien, si ce n'était toi.

Une mièvrerie dans le son de sa voix qui ne la laissa pas indifférente. Même les êtres les plus noirs ont un coeur. D'autant plus les êtres aussi sombres qu'eux, à la pompe à hémoglobine charbon. Le charbon s'éffrite grandement, trop. Elle rougit, lui se mit à rire en lui passant un bras autour des épaules. La fraternité pure, à l'état sauvage. Nul doute à avoir, Agnora avait quelque chose de magique qui ne permettait point l'indifférence.

- Diantre, enchaîna la jeune succube, c'est bon d'être au chaud...

Kaël acquiessa d'un signe de tête. En effet, Eden n'avait aucunement tort en rappellant le souffle rafraîchi d'Akorv, dieu de l'Air. Dieu...

- Tu veux boire autre chose, Princesse? lui murmura-il au creux de l'oreille.
- Avec plaisir, Mon Seigneur. Un autre verre de vin rouge, je te prie...

Il souleva son emprise, recula de quelques pas, et se prosterna ironiquement, un sourire en coin gravé sur son minois. Toujours dans l'absurdité du tableau, Anthéchrista lui fit face et esquissa un signe négligé de la main, lui quémendant d'aller chercher son dû prestemment. Deux enfants en pleine efflorescence.
Deux démons.

- Eden?

Elle souleva son crâne, les larmes aux yeux, le rire encore présent.

- Diable, qui a-t-il, Kaël?!

Il se servit d'un doigt pour retrousser son nez davantage, et éclaircit sa voix.

- Oh, Victor, embrassez-moi encore! Oh oui, Victor, grand fou! Prenez-moi!

Et sa tête retombe en direction du vide. Lui porte sa main devant ses yeux pour cacher ses pleurs. L'élégante hurle son hilarité, le verre à la main, et a du mal à respirer entre la position de son buste, ses rires entrecoupés, et son corset étouffant. Ils s'étranglent, ils s'amusent à en perdre haleine. Ils adorent ça. L'une des deux reprend son oxygène, et lançe avec de replonger :

- Non, c'est pas vrai, c'pas possible!

À court d'air, le fils de Satan essaie de rétorquer quelque chose, en vain. Il leur faut quelques minutes pour décuver, se ressaisissant avec difficultés après un tel fou rire.

- Kaël, elle est aussi euphorique que cela? C'est vrai?
- Oh, et tu n'imagines pas jusqu'à où ça va. Elle a vraiment cru que j'étais son Victor, je t'assure...
- Pardieu, Kaël, tu n'es pas conscient de ce qui va circuler à son sujet dès demain, à l'heure du thé!
- Je te fais assez confiance pour ce faire, ma belle.
- Oh, Diantre, tu le puis, Kaël, crois-le sur parole!

Il lui sourit. Elle, rit à peine, avant de replonger son regard cendré dans les courbes fines des chemins des collines d'Agnora. À l'intérieur, au chaud, les protagonistes valsaient sur un orchestre symphonique suintant la copie conforme des plus grands compositeurs. Aucune once d'exentricité, ce qui finissait de les tuer. Oubliés, les deux infernaux plongaient leur champ visuel par-delà les cieux. Silence heureux.

- Eden...

Un coup de tête en sa direction, l'air stupéfait.

- Mmh? Qui a-t-il, Kaël?
- C'est à ton tour de me raconter ta vie, maintenant.

Quelques secondes de doute, d'incompréhension. Kaël Lil'zany, Prince des Ténèbres, amoureux des ombres, daignait s'intéresser à une vie aussi misérable que celle de l'artifice? Quelque chose ne tournait pas rond, et ce petit détail se manifesta dès nécéssaire.

- Je t'ai conté la mienne, tu m'as écouté. Il va de soi que j'ai une dette envers toi. Eden, je suis tout ouïe.

C'était donc cela. Très bien... Appuyée contre la rampe du balcon, elle observait les cieux démunis d'étoiles. Kaël patientait calmement. Ils avaient jusqu'à trois heures du matin, après tout.

- Bien, commença la belle, tu sais que j'ai été créée par les démons pour assouvir leurs pulsions sadiques, et que je me suis enfuie du royaume souterrain pour leur échapper. Ca, c'est la version la plus connue. Après, j'ai erré durant... un bon moment, en fait. Je suis passée à côté des temples sans y prêter grande attention. Plusieurs fois, on m'a demandé à quel culte j'étais assignée, j'ai toujours répondu que je n'étais pas d'ici. De ce fait, je me suis trouvé un passe-temps, la séduction. J'n'étais pas pour rien une création des Diables, Kaël. J'ai usé de mes charmes pour parvenir à mes fins. Autre initiative parallèle, j'ai tué. Je n'ai jamais cessé de tuer. Et puis, je t'ai rencontré, Kaël. Sur la place de la cité des Elfes, tu te souviens?
- Oui, Eden. Je m'en souviens parfaitement.

Sur ce, le ténébreux se hissa sur les remparts de pierre et s'y assit. La demoiselle ne changea point de posture, si ce n'était que pour regarder de temps en temps la salle bondée.

- C'était le temps où on se cherchait, tous les deux. Je suis heureuse de t'avoir enfin trouv... Oh.
- De...? renchérit le cendré, surprit par cet arrêt brutal. Qu'a-t-il, Eden?
- Parviens-tu à mirer cette blonde, au centre de la salle? Avec la longue robe en soie blanche et bleue. Je crois même qu'elle parle au compte Des Rosiers.
- Mmh, ma foi, très peu... Ah, c'est bon. Qu'a-t-elle de particulier?

Un sourire narquois se grava sur son faciès angélique.

- C'est une fille de joie.

Un pouffement indiscret, puis un éclat hilaire commun. Le ténébreux n'avait pas l'air de s'attendre à telle révélation...

- C'n'est pas vrai, si? Des Rosiers est donc tombé si bas?
- Je te le jure, Kaël!

Plusieurs secondes à se noyer dans leur débacle risible au point culminant, ils ne parvinrent à se dépêtrer de cet enchantement qu'après s'y être totalement abandonné. Malédiction. Puis, la démone eut un reflèxe courrant, et dirigea ses pupilles vers le sol, deux étages en dessous.

- Mon Bel, regarde, il y a une fontaine, en bas.

Elle n'avait pas tort. Une magnifique fontaine d'albâtre trônait au beau milieu des jardins, reliés à des allées éclatant en petits chemins.

- Veux-tu la rejoindre?
- Si cela ne contrarie tes plans...

Il se mit face à elle, siègeant toujours sur la rampe, la saisit par la taille, et ilse laissa tomber dans le vide. Elle ne devait avoir peur. Son Chevalier se nommait Kaël Lil'zany. Ils n'avaient rien à craindre.
Ils étaient démons.

Ses doigts fins trempaient leur bout dans le liquide glacial, et ses ongles bleuissaient à vue d'oeil. Kaël voulut les lui retirer, ce qu'elle défendit sauvagement. Cette caresse lui était apaisante, et de bien-être, elle en avait grandement besoin. Face à sa Muse, le Prince ne trouva rien d'autre à faire que de rentrer, directement et sans prendre la peine de prévenir, les pieds dans l'eau. Sous le regard abassourdit d'Eden, il assura qu'une fois à l'intérieur elle n'était plus si froide. À cela, la démone rétorqua son évidence ironique, le fait qu'il portait toujours ses apparats et que par conséquent il n'était pas en contact direct avec le froid. Chose qu'elle n'aurait du laisser échapper, puisque comme réponse, il dénoua ses épaulières et entreprit de retirer son haut de laine.

- Kaël, mais tu es fou, mes aïeux! hurla la belle de toutes ses forces en se jetant contre le torse de son maître.
- Non ma chère, poursuivit le jeune homme, je suis juste contraint de reconnaitre tes raisons.
- Tu es fou, c'est bien ce que je dis. Remets moi ça.
- Désolée, Eden, mais je ne puis faire une telle chose.
- Ne fais pas l'innocent, Kaël!
- Je ne fais rien, Mademoiselle.
- Et cesse de me nommer de la sorte, c'est consternant.
- Plaît-il?
- Quoique tu en dises, Kaël, tu es Prince. Ceci, tu ne peux le nier. C'est horriblement vexant d'être traîtée comme une Reine par un sang noble lorsque l'on est soi-même une pauvre inconnue sans rang ni vertues...

C'en fût trop. Le divin maléfice, la joue collée au torse chaud du démon des ombres, fit pénétrer ses griffes dans son pectoral saillant. Lui, en souverrain, la repoussa. Elle perdit l'équilibre, et tomba dans l'eau en silence. Il la regardait de toute sa hauteur, fier et puissant, son oeil inquisiteur l'écrasant de plus belle. Les deux se miraient, complètement neutres. Effarant.

- C'en est assez, Eden. Trêve d'enfantillages. Par tous les Saints, Eden, regarde toi.

Il s'effondra face à elle, perdu, isolé, incompris et déchu. À genoux, il s'approcha d'elle, lui caressa le visage avec sa main brûlante bien qu'humide. Ses iris perforaient chaque parcelles de son corps de manière indélébile. Eden n'esquissa pas le moindre acte défensif.

- Tu es magnifique, Eden. Tu es plus intelligente que la Pythie, plus séduisante qu'Aphrodite elle-même. Nagaléa ne t'arrive pas à la cheville, la preuve, tu l'écrases constamment. Kianna se soumet à tes couleurs de nacre, vois, elle n'ose de mouiller plus que nécéssaire, tandis qu'Ekmaân ne peut prendre posséssion de ton organisme d'outre-tombe. Lekory fait fuir ses suppléants dès que tu poses le talon sur ses terres tant tu l'effrayes. Tahaney donne la mort à toutes rénégates de son clan que tu oses empoissonner avec ton don innomable pour le mensonge. Akorv ne peut t'ébranler, même avec son vent le plus puissant. Niara couvre son astre de peur que tu ne réussisses à l'en soustraire, Ahorou éteint ses bougies par respect pour ta nudité sacrée, Clow raccourcit ponctuellement son temps de culte pour te servir plus amplement. Le mieux, ma douce, est qu'Egolas, Vérity, et Stella-Lune eux même t'apprécient énormément.

Il l'avait saisit par les épaules, l'avait secoué doucement. Des larmes nerveuses étaient nées au coin de leur mirroirs, ce, pour tous deux.

- S'il te faut des mots, je te les offre. S'il te faut des preuves, je te les apporte. S'il te faut un autre avis, demande au premier venu. Par pitié, Eden, ne rétorque plus pareilles idioties.

Un temps, long. Trop long.

- ... Ka... Ah!

Il se jeta à son coup, l'enlaça tendrement. Un brasier, un gigantesque brasier, consumait son corps frêle entre ses bras musclés. Ils étaient là, deux erreurs du pays, deux héros tragiques, inspirant terreur et compassion, pitié et horreur.

- Je t'en prie, Eden...

La petite attrapa son protecteur contre elle, entourant son buste de ses voiles trempés.

- Ne dis plus rien, reste comme tu es.
- Tu es chaud, Kaël.
- Tais toi donc.
- Ne veux-tu point quitter la fontaine?
- Tu es encore plus belle lorsque tu es muette.
- Tu ne souhaites donc que mon mal-être, à me prendre de la sorte contre toi...
- La fontaine est un lieu symbolique.
- Je te hais, Kaël, sois-en certain.
- Je ne veux que ton bonheur. Et s'il doit y avoir un sacrifice, je m'offre à ta cause de mon plein gré.
- Diable, Kaël, ne sois pas sot...
- Tu me hais?
- Imbécile...
- Tu pleures, Eden?
- Jamais. Pas comme ça, pas maintenant...
- Tu le puis, Belle.
- Nous ne sommes que des monstres batârds...
- Je te nomme sur le champ Princesse des Ténèbres à mes côtés.
- Tu l'avais déjà fait auparavant...
- Pas de manière si chaste, petite soeur.
- Nous sommes démoniaques, Kaël.
- Nous existons, Eden.

La complainte des démons.

- Ah! Kaël, j't'en prie, arrête! Kaël!

Des rires et des cris. Ils jouaient dans l'eau comme des enfants. Trempés de la tête aux pieds, rien ne permettait de comprendre le pourquoi de cette joie sans fin. Ils s'amusaient, après s'être consolés. Ils jouissaient d'une importante liberté. Ils étaient libres, ensemble. Leur binôme n'avait rien à envier aux autres duos formés durant la danse impériale retentissante. Ils étaient deux. Eden et Kaël, Ael'dha et Lil'zany. Quatre lettres, noms composés. Homme, femme. Différences d'ensemble. Le démon lui jetait de l'eau, la poupée de porcelaine tentait de s'enfuir et ripostant, sans grands succès. Elle hurlait sa glaciation, il mourrait devant sa niaiserie actuelle. Le tableau était merveilleusement risible. Il lui courrait après autour de la statue de marbre au centre du bassin, elle s'amusait à changer de sens, à sortir et rentrer du terrain de jeu. Lorsqu'ils furent mouillés jusqu'aux os et qu'il n'y eut plus qu'un ridicule fond d'eau dans le récipient, ils sortirent de la rivière, essoufflés et ivres de tant de laisser aller. Néanmoins, ils se regardaient passionnément. Aveuglement. Deux sourires complices, Eden et sa robe lourde se relava, respira longuement, et s'enfuit dans les allées de haies, bientôt poursuivit par l'homme.
Ils entreprient une partie de cache cache géante, où nul ne devait trouver l'autre, et où tous les coups étaient permis. Chasse méphistophélique, la traque s'annonçait prometteuse. Ils fouillaient tous les recoins, même les plus improbables, pour mettre la main sur leur gibier. Dès qu'un bruit suspect parvenait à ses oreilles, la Nymphe détallait comme une poursuivie; le noble feint, lui, préferait suivre discrètement chaque sons différents de celui de sa respiration posée. Leur manège dura le temps qu'il fallut à l'asemblée intérieure pour se rendre compte du vide qu'ils laissèrent derrière eux. Des gardes avaient été envoyés à leurs trousses pour les ramener à l'intérieur. Ils rentrèrent dans le labyrhinte de feuillages, et semèrent plus de bruit que jusqu'à lors. L'alerte fut sonnée chez les deux joueurs. Ils courrurent chacun de leur côtés, écartant les branches et les feuilles sur leur passage. La fille du sous-sol aperçut le centre de la plateforme de jeu, pressa le pas, cepandant ne fit pas attention à la masse imposante qui la rejoignait à vive allure face à elle. Ils se percutèrent de plein fouet, tombèrent au sol. Vite, la jolie se redressa, et entreprit de faire demi-tour, quand sur le point de partir, l'obstacle sur saisit le poignet. Elle pivota, tirant sur l'emprise resserrée de l'ennemi, avant de comprendre de qui il s'agissait. Soulagés, les deux soupirèrent avant de reprendre leur fuite.
Chasse aux démons.

Lorsqu'ils repparurent dans la sal de réception, les regards n'étaient plus curieux, mais furieux. Les deux n'avaient pu faire sécher leur costume, de ce fait, ils étaient taussi humides que les Ondines. Il n'y avait qu'un convive absent à cette représentation : l'hôte.

- Kaël, chuchota la demoiselle à l'oreille de son complice une fois le retour passé et tout le monde retourné à ses occupations, Richter n'est pas là, tu as vu?
- Il est sans doute affairé dans ses appartements avec l'une des invités. Tu as vu si ta fille de charme était toujours là?
- Ne dis pas de sottises, Kaël.
- J'n'ai encore rien dit.
- Il doit bien être quelque part....
- Pourquoi tiens-tu tant à lui parler?
- J'ai froid.
- Et c'est maintenant que tu le dis.
- Bonté Divine, Kaël, quand aurai-je pu te le dire sinon à l'instant?

Elle n'avait pas tout à fait tort, et il préféra s'effacer derrière son calice vignoble.

- Préviens moi si tu le vois.
- Mmh.
- Qui a-t-il?
- Tu as une herbe dans les cheveux.
- ... De quoi?
- Ne bouge plus, je vais te la retirer.
- Où est-elle?
- Dans le chignon, un instant...

Il planta deux doigts dans l'amas noué que formait la chevelure de sa chère et tendre, et chercha à emprissonner cette herbe vile.

- Fais ça vite, Kaël. Déjà que notre réputation n'est plus à faire...
- Ca ne prendra quelques secondes, ma chère.

Position indélicate, c'est alors que le maître des lieux apparut dans l'encadrement de la porte voisine, séparée du duo par la foule compacte.

- Diatre, mon Prince, le voilà!
- Eden, la feuille s'est logée ailleurs, je ne la vois plus...
- Nous avons l'air fins, comme ça...

Deux sourires, deux rires microscopiques, de sorte à ne pas passer pour les intrus qu'ils sont.

- Allons y?
- Il le faut bien, Belle.

Et les voilà parti, l'un derrière l'autre, à la conquète de la foule. Entre les danseurs, l'odeur de sueur les étouffe. La cible est repérée, toujours de l'autre côté et accompagné de demoiselles fort bien vêtues. Le duc Richter, un riche économiste à la solde du roi, un personnage donc forcément assez influent. Chacune de ses soirées était réputée pour sa convivialité, son originalité, mais encore et surtout pour sa côte de popularité. Quasiment tous pouvait se rendre à son palais pour déguster les mets raffinés, danser sur la dernière sonate à la mode, ou rencontrer un partenaire pour la nuit. Le duc Richter était un bon vivant, quoiqu'à peine profiteur. Cependant, il avait l'argent et le pouvoir, et ces deux cartes de maître l'innocentaient d'office.
Le ténébreux constata avec plaisir que la feuille disgrâcieuse s'était logée entre deux pinces interne dans la coiffure de la démone. Le tout était maintenant de réussir à l'en retirer, le tout completé par des conditions de jeu misérables et une histoire de secondes toujours aussi perverse. Quand Eden se faufillait entre les dicussions, Kaël les réduissait à néant, ce qui avait pour conséquence de contrarier certains invités - sauf cas de féminité absolue, où là, ces dames cherchaient à le courser. Diable, que c'était dur d'accompagner la divine Ael'dha. Finalement, comme de raison, le Prince parvint à ses fins pile à cet instant, et tira un coup sec pour retirer sa main, brandissant l'herbe maléfique. Et là, le drame : sa bague resta prise au piège des fils satinés de sa douce.

- Eden...
- Tu l'as enlevée? C'est bon?
- Et bien, pas tout à fait....
- Tu... Ne me dis pas que tu n'arrives pas à sortir ta main de mes cheveux?!
- Moins fort, Belle...
- Mais c'est pas vrai, Kaël! On a l'air malins, maintenant!

Alerte noble. Richter n'allait pas tarder à les voir...

- Retire ta bague, Kaël!
- Je n'y arrive point, Eden, elle s'est coincée!

C'est, bien sûr, à ce moment que parvint jusqu'à eux leur proie, et dès qu'il eut possibilité de se défaire de l'emprise de ses tourterelles virvoltantes, Richter s'accorda le plaisir de converser avec la jeune mais non moins séduisante Anthéchrista.

- Mademoiselle, Monsieur, vous vouliez m'adresser la parole. Que puis-je pour vous?

Charmant, il adressa un sourire ravissant à la demoiselle, un regard noir vers l'homme. Seule présence non souhaitable, cette dernière masculine, déchaîné sur les cheveux de sa Princesse. Visiblement contrarié, Richter ne répliqua point, et laissa le retireur d'herbe vicieuse tenter vainement de ressortir sa patte de velours de cette prison si chaleureuse.

- Bonsoir, Messire. Excusez nous de vous...

Tiraillement capillaire, le ténébreux tenta de paraître le plus naturel possible, immitant sa partenaire qui venait de gémir de douleur n le foudroyant du regard. Pas le moins de monde suspects. Pas du tout.

- ... Importuner de la sorte... Comme vous l'avez sans doute remarqué, mon maquillage et mon état ne sont point dignes d'une réception telle que la vôtre, messire. Nous aimerions, mon valet et moi, aller nous... préparer, si je puis dire ainsi, ne serait-ce que pour paraître plus présentables. Auriez-vous une pièce adéquate à nous offrir? Cela ne durera que peu de temps.

Et ce fut ce moment là que choisit le Bel pour arriver à retirer ses doigts du chignon trop élaboré de la démone, de la manière la plus discrète qui soit bien entendu. Il avait tiré un grand coup, arrachant au passage quelques pauvres cheveux qui n'avaient rien demandé à personne. Tout au naturel, le Prince déposa son bras autour des épaules de la jeune femme, tenant fermement dans son poing l'odieux végétal. Cependant, face à leur deux sourires réunis, tous semblait plus normal que le politiquement normal, et le maître Richter n'y vit... pas grand chose.

- Lianna va vous conduire à une chambre libre. Si vous voulez bien m'attendre ici, je vous prie...

Puis il s'en alla. Ils soupirèrent à en fendre l'âme du plus cruel des tyrans. Se séparant, les deux démons s'échangèrent un regard plein de sous entendus. Le jeune homme tendit son bras, attrappa celui de la douce, et lui offrit le cadavre du vaincu.

- Mécréante.

Le silence entre les deux pesait, tandis qu'à côté la fête et les rires et les chants continuaient de proliférer.

- C'est la dernière fois que tu cherches à m'enlever un brin d'herbe logé dans mes cheveux, Kaël. La dernière.

De démons à démons.

Face contre les draps, il pleurait son hilarité comme elle devant le miroir. La nostalgie de l'absurde les achevait de la manière la plus vicieuse qui soit.

- Tout cela pour une herbe, franchement...
- Néanmoins, Kaël, on ne peut plus croiser les invités, maintenant. Ils nous ont sans doute démarqués.
- Crois-tu. Ils savent que nous sommes les plus jeunes, cela se sent. Après ils ne connaissent pas nos visages, de ce fait, rien ne peut nous arriver.
- Nous aurions dû nous fondre complètement dans la masse, Bel.
- Nous le sommes déjà bien assez. Ecoute les, en bas. Crois-tu seulement qu'ils ont l'impression que quelque chose va leur arriver?

Vérité incontestable que celle-ci, ils étaient trop occupés à fêter on ne sait quel naissance ou union pour se soucier de quoi que cela soit d'autre. Le démon roula sur le dos, et s'assit sur le bord du lit. Eden se retourna vers lui, tout en prenant soin de réacrocher sa pince au bon endroit. Tous deux s'étaient déshabillés, de peur de ne prendre froid dans des vêtements trop humides, et ils s'affichaient en sous vêtements l'un face à l'autre. La belle finit par le rejoindre sur le cerceuil de nacre.

- Tu as raison. Ils ne s'attendent pas le moins du monde à ce qui va leur tomber dessus...

Deux rires, malsains, sadiques. Appréhension palpable quant à la suite des évènements, ce fut la démone qui rompit le pseudo apaisement traître.

- Que devons-nous faire, à présent?
- Je l'ignore, Eden. Quelle heure affiche l'horloge?
- Où est-elle?
- Sur la coiffeuse, chérie.

Dressée sur ses jambes, elle alla chercher le cadre précieux.

- La petite aiguille n'est plus exactement sur les deux barres, puis la grande est entre la barre et la croix et la croix toute seule.
- Deux heures cinquante, en somme, déclara le cendré après une petite réflexion. Il nous reste dix minutes, Eden.
- Que faisons nous?
- Patientons...

L'heure en main, l'artifice diabolique se dirigea vers le lit pour rejoindre son Apollon noir.

- Dix minutes, cela risque d'être lo...

Elle allait s'asseoir, lorsqu'il se redressa brutalement, l'attrappa par les épaules et la fit pivoter face à la vitre avant de la pousser en sa direction.

- Regarde!

Un mince filet lumineux s'exhiba devant leur fenêtre. Eden, collée à la vitre, hurla de joie.

- Une étoile filante, Kaël! Une étoile filante! C'est bien cela, Kaël, n'est ce pas? C'est cela, dis moi!
- Exact, ma belle, confirma le beau ténébreux en la rejoignant. Tu sais ce que tu dois faire, à présent, n'est ce pas?
- Un voeu! Je dois faire un voeu!

Elle plaqua ses mains contre la paroi glacée de la baie vitrée, ferma les yeux, se concentra intensément. Après quelques secondes, son sourire raviva l'éclat de la pièce, et elle tomba dans les bras de Kaël.

- Merci, Kaël, merci infiniment.
- Il... n'y a pas de quoi.

Ils se séparèrent, sobrement, affichant un stoïcisme à tout épreuve. Tous deux se retrouvèrent les yeux face à la porte de sortie, qui donnait sur l'escalier principal, duquel il fallait descendre deux étages pour retrouver la salle de réception.

- Eden, nous n'allons pas tarder à rejoindre les convives.

Silence pensant. Aucun des deux n'ose le ternir, laissant une atmosphère désagréable, un mal-être palpable entre les deux entités. Jusqu'à ce qu'un des deux trouve le courage de dire ce qu'il pense.

- J'ai envie de toi.
- Oui, moi aussi.

Et elle accroche ses lèvres aux siennes tellement soudainement qu'ils tombent sur le linceul à portée de main.
Relation démoniaque.

Cela faisait plusieurs minutes maintenant que des cris horribles retentissaient deux étages plus bas. Ils s'étaient rhabillés en vitesse, et étaient en train de descendre en vitesse les escaliers qui les ammenait à la vérité.

- Que crois-tu qu'ils ont fait?
- Sans doute un animal égorgé lancé dans la foule, ou des créatures d'Agnora pareillement lâchés entre les danseurs. Je n'en sais guère plus que toi, Eden.
- Nous allons bien voir.

Ils le virent, certes. Ils virent des morts, et une panique monstre chez tous les vivants. Ils hurlaient aux fantômes, à la vengeance divine, au châtiment. Les femmes pleuraient, les enfants fuiyaient, les hommes succombaient à des évicérations explosives, à des écrasements de boîte crânienne contre les murs. Le sang noyait la pièce, les entrailles la rendait glissante. Une femme arrachait ses vêtements, suppliant qu'on la réveille, pleurant au viol. Les portes étaient closes, tous étaient piégés. Comme la faune d'Agnora. Comme ces malheureux difformes originaires de la terre sauvage, de l'inexplorée, de la mystérieuse. Enfermés dans des cages, contraints à l'esclavagisme, à la servitude. Ils devaient comprendre, à présent. Ce que ça fait, d'être à la mercie d'êtres trop puissants pour leur armes et leurs prières. Kaël observait la scène en silence, sans une once d'émotion. Il se disait que c'était tant pis pour eux. Il n'avait pas spécialement quelque chose contre eux, au contraire, mais il lui fallait assouvir ses desseins, ses propres envies, ce quoi qu'il en coûtait. Il regarda la compagne, absorbée par l'horreur de ce spectacle. Elle suivait des yeux la tête de cet enfant voltiger de droite à gauche, voyait l'hémoglobine étouffer les plus impertinents, observait curieusement les petites fourmis du bas de l'escalier grouillaient comme si elles se faisaient attaquer. Le démon la trouva bien captivée. Elle trouvait cela splendide.
Un rire nerveux et terrifiant, qui surprit aux premiers abords le ténébreux avant qu'il ne se souvienne que ce n'était qu'Eden. Elle courrut rejoindre le carnage, et attrapa un homme au hasard dans la foule avant de l'embrasser à pleine bouche. Lorsqu'elle l'abandonna, il se déshabilla entièrement, comme envoûté, sans plus se soucier de ce qui était en train de se produire autour de lui. La jeune femme reproduit l'action avec plusieurs autres hommes, attendant que le démon se décide à venir la retrouver.

- Dépêche toi, Kaël! S'il te plait!

Soupirant à en faire pleurer les dieux les plus insensibles, le séducteur commença à descendre les marches lentement. Dans sa main, un halo noir se forma, englobant rapidement tout le bras, pour finalement faire apparaître une épée gigantesque, qu'il était l'un des rares seuls à savoir manier. Arrivé sur la terre ferme, il saisit par le col un efemme qui tentait de fuir, et lui vola un baiser furtif avant de l'envoyer un peu plus loin. Les hommes qu'il croisait, il les tranchait. Les femmes qu'elle croisait, elle se jetait sur elles et en dévorait une partie. Ceux qu'ils embrassaient formaient une émeute au centre de la pièce. Un peuple grouillant, gémissant, se serrant dans leurs bras, nus comme des vers.
Le démon acheva une de ses proies et se redressa. Il chercha du regard la Princesse, allongée sur un cadavre qu'elle dépeçait goulûment. Il vint la chercher, lui déposant une main délicate sur l'épaule. Elle se redressa rapidement, le visage et les vêtements couvert de sang. Les deux semblaient sortir d'un bain d'hémoglobine, ce qui n'était pas tellement faux. La démone se léchait les lèvres, absorbant chaque goutte du nectar vital que possible. Un vrai régal, que le tueur se complaisait à lapper sur les joues de la belle. Quand ils furent plus ou moins nettoyés, chacun léchant l'autre, Kaël planta son arme dans le sol et laissa tomber ses épaulières, son haut moulant. Suivait Eden, délaçant son corser, lâchant sa crinière. Jusqu'à ce qu'ils soient aussi nus que possible, face à la luxuriante débauche charnelle.

- Eden?
- Kaël?
- C'est l'heure, n'est ce pas.
- Ne me le fais pas dire, par pitié.
- Allons-y.
- Avec plaisir!

Démons.

****

- Ce qu'on fait?

Réflexion à peine effectuée. Pour faire bien.

- J'en sais rien. On attend.

Elle s'avance, la musique trop forte ne permettant pas plus de discussion. Derrière, elle avait l'air de suivre. Elle était perdue. Aussi perdue qu'un jeune vierge la nuit dans une ruelle sombre. Regard furtif de tous côtés. Sans guère d'attache. Il n'est soit pas encore là, soit invisible pour l'instant. Poursuit sa recherche à travers les corps transpirants, suintant l'eau malodorante. À l'étroit.

- Poussez-vous.

Moïse devant sa mer. Il fallait bien jouir de n'importe quoi.
Le danger public numéro un était grand. Très grand. Trop grand, et mince comme une brindille. Il portait une casquette de marque, toujours la même, violette et noire. Le cou souvent étranglé entre un paquet de chaînes en argent, des vêtements amples, confortables, qu'il ne change que rarement. Il est brun de peau, et n'a jamais eu de cheveux. Pour le trouver, il faut hurler...

- TRICKYYY.

Et s'il est là, il répondra...

- DAAAAAAAAAAAAAAAA!

Et là, il devrait courir vers la cible qu'il aurait précédemment repérée, pour lui faire un énorme calin.
Sauf bien sûr si le récepteur du calin n'en veut aucunement, et qu'il ne se décale juste avant l'impact, offrant alors à son accompagnateur qui n'a rien demandé un énorme calin de la part de Tricky. Félicitations.
Il se retire, confus, et martyrise la blonde de l'avoir à se point ridiculisé. Après quelques mimiques absurdes, ils regardent Mokona. Simplement.

- J'te présente Trunk Roskonovitch, ou Tricky. Il sera notre guide pour la soirée. Enfin, si seulement tu acceptes de nous suivre.

- Et si tu te demandes où on va, t'as qu'à te dire trois choses : illégalité, course, et voiture!

Regard complice. L'extase.


- Alors, tu nous suis, ou tu restes là?

L'orgie totale.

[ Le sang et le vin ont la même couleur,
À la cour des miracles, à la cour des miracles.
Les filles de joie dansent avec les voleurs,

À la cour des miracles, à la cour des miracles.
Mandiants et brigants dansent sur la même danse,

À la cour des miracles, à la cour des miracles.
Puisque nous sommes tous des gibiers de potence,

À la cour des miracles, à la cour des miracles,
À la cour des miracles, à la cour des miracles.


Truants et Gitants chantent la même chanson,
À la cour des miracles, à la cour des miracles.
Puisque nous sommes tous évadés de prison,
À la cour des miracles, à la cour des miracles.
Voleurs et tueurs boivent au même calice,

À la cour des miracles, à la cour des miracles.
Puisque nous sommes tous des replits de justice,

À la cour des miracles, à la cour des miracles,
À la cour des miracles, à la cour des miracles! ]
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Eveil artificiel. |Syn, Again.|

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